Carburant le plus utilisé au Maroc, le gasoil a franchi le seuil de 11 dirhams le litre dans certaines villes. Il s’affiche à des niveaux jamais atteints, portés par l’envolée des cours du pétrole sur le marché international.
La hausse vertigineuses des prix des carburants (+ 2,3 dirhams sur un an pour le diesel, + 4 dirhams depuis la décompensation de 2015) met les entreprises de transports routiers à genoux.
«La hausse des prix des carburants devient insupportable. La charge du gasoil représente parfois jusqu’à 70% de notre chiffre d’affaires. Nous ne pouvons plus continuer à ce rythme», affirme Mohamed Ben Moumen, président de la Fédération marocaine du transport routier des camions benne.
Même son de cloche du côté de l’Association marocaine du transport et de logistique (AMTL), dont le siège est basé à Tanger. Son président, Mohamed Jaabak, s’interroge sur le sort des initiatives menées ces dernières années visant à atténuer l’impact de la hausse des cours du pétrole sur les prix affichés à la pompe. Il cite à ce titre le fameux projet mort-né du plafonnement des prix (ou marges), ou encore cette assurance souscrite (hedging) par le Maroc pour stabiliser les prix à des niveaux raisonnables.
L’AMTL, nous confie son président, va diffuser lundi prochain un communiqué dans lequel elle compte solliciter l’intervention urgente du gouvernement. A défaut de trouver une solution, l’AMTL n’exclut pas le recours à la grève pour faire entendre sa voix et ce, à partir de la première semaine du mois de mars prochain.
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Aujourd’hui, presque l'ensemble des coûts des entreprises de transports ont augmenté, déplore Rachid Tahri, secrétaire général de la Fédération du transport et de la logistique, affiliée à la CGEM. En plus des carburants, il cite les huiles de transport (tous types confondus) et surtout les pneus dont le prix a presque doublé suite à la révision de la Taxe intérieure de consommation (TIC) instaurée par la loi de Finances 2021.
«Sur un seul trajet Casablanca-Tanger, avec les hausses successives des prix des carburants depuis septembre 2021, il faut compter une augmentation entre 1.000 et 1.500 dirhams du coût du gasoil. Celle-ci n’est pas répercutée sur le client», constate Tahri. Pour une entreprise dotée d’une flotte de 10 véhicules effectuant chacun 4 voyages par semaine, cela représente un coût minimum additionnel de l’ordre de 2 millions de dirhams sur un an. Sans compter les frais de péage d'autoroutes, lourdement obérés depuis que la société nationale des Autoroutes du Maroc (ADM) a imposé aux transporteurs de migrer vers le pass Jawaz, mettant fin aux cartes prépayées qui offraient aux transporteurs une ristourne de 10%.
«On a donc des entreprises qui font rouler des camions à perte. Nous sommes très affectés par la hausse des carburants. Nous privilégions toujours la voie du dialogue. Néanmoins, si les choses continuent de s’aggraver, la grève devient inéluctable», poursuit Rachid Tahri.
Indexation carburant
Alors que la tension monte chez les transporteurs, certaines voix s’élèvent pour trouver rapidement une solution à ce problème qui pèse sur les entreprises du secteur. Parmi les solutions préconisées par la Fédération du transport et de la logistique (FTL) de la CGEM, figure l’indexation-carburant. Ce mécanisme, explique Abdelilah Hifdi, président de la FTL, consiste à «répercuter les variations (hausses et baisses) des prix du gasoil en pied de facture à la fin du mois, ce qui permet aux transporteurs d’amortir tout éventuel surcoût du gasoil».
«Cette solution ne coûte rien à l’Etat et a déjà montré son intérêt et son efficacité sous d’autres cieux», a-t-il ajouté, en faisant référence à la Loi française du 5 janvier 2006 encadrant le processus d’indexation-carburant, appelée indexation gasoil, qui a été imposée aux chargeurs pour protéger les transporteurs des fluctuations des prix du gasoil. La relation transporteur-client gagnerait en transparence puisque, même en cas de variation à la baisse du prix du gasoil, le transporteur est obligé de la répercuter sur la tarification facturée au client.
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Sur le terrain de la fiscalité, deux options méritent d’être discutées. D’une part, la révision de la TVA sur la gasoil. Celle-ci, suggère Hifdi, devrait passer de 10 à 20% pour l’arrimer aux niveaux observés sur le marché européen. Cela rejoint aussi l’objectif affiché par les artisans de la réforme fiscale au Maroc, celui de la convergence vers deux taux de la TVA.
D’autre part, le carburant professionnel, un concept appliqué dans l’UE, permettant aux transporteurs de récupérer une partie de la TIC (qui fait partie intégrante de la structure des prix des carburants).
Cela fait plusieurs années que les professionnels du transport routier militent pour récupérer la TIC et aligner la TVA sur le gasoil à 20% au lieu de 10%. Cela, arguent-il, aurait un effet structurant pour le secteur et pourrait même générer des recettes fiscales additionnelles pour le Trésor, notamment en poussant l’informel à migrer vers le formel. «Le jour où le secteur structuré pourra récupérer la TIC et la TVA, nos coûts seront à 40% moins chers qu’une entité qui opère dans l’informel», a noté de son côté Mohamed Talal, président de l’association de la messagerie.
La Fédération du transport et de la logistique, qui fait office de caisse de résonnance des revendications des transporteurs dans cette conjoncture difficile, compte réunir dans les jours à venir l’ensemble de ses composantes (transport de marchandises, transport de voyageurs, transport interurbain, transport international, etc), nous confie son président. L’objectif est d’éviter tout éventuel débordement des bases associatives de la fédération.
«Nous fondons de grands espoirs sur le gouvernement pour opérer une mutation profonde du secteur, à un moment où le Maroc est appelé à entrer dans une nouvelle phase pleine d’enjeux: transition énergétique, décarbonation, le statut avancé, le partenariat vers avec l’UE, etc.», conclut Abdelilah Hifdi.