Voilà un amendement retenu par le gouvernement lors de l’approbation du projet de loi de finances rectificative à la Chambre des représentants et qui ne manquera pas d’animer les débats lors de la deuxième phase du circuit législatif à la Chambre des conseillers.
Pourtant, le gouvernement était décidé à faire passer une mesure censée concrétiser un avis du Conseil national de la comptabilité (CNC), datant du 29 avril dernier, autorisant l’étalement de la déductibilité des charges de dépenses liées à la pandémie de Covid-19 sur une période de cinq ans.
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Une semaine avant la sortie de l’avis du CNC, la Direction générale des impôts (DGI) avait sorti un communiqué dans lequel il est expressément indiqué que les contributions au Fonds Covid-19 seront traitées comme des dons revêtant le caractère de charges comptables déductibles du résultat fiscal. Il faut dire que tous les moyens étaient mobilisés pour renflouer les caisses du Fonds spécial Covid-19. 30,5 milliards de dirhams, c’est le volume total des recettes effectives collectées à ce jour par ledit fonds, un montant record qui témoigne d’un élan de solidarité jamais égalé, auquel ont fortement contribué les particuliers et les entreprises (nationales et multinationales).
Seulement voilà, un amendement du groupe parlementaire du PAM est venu bouleverser la donne. Alors qu’on s’attendait à un simple étalement de la déductibilité sur 5 ans, le gouvernement s’est retrouvé devant le fait accompli, suite au vote de quasiment l’ensemble des membres de la commission des finances à la Chambre des représentants (31 membres contre une seule abstention) en faveur de la non-déductibilité des dons au Fonds spécial Covid-19. Le dépôt de cet amendement a été justifié par un souci de rétablir une justice fiscale entre les contributeurs et ne pas gâcher l'élan de solidarité nationale.
Si le vote en faveur de cet amendement a été vécu comme une douche froide par le staff accompagnant le ministre des Finances, les chefs d’entreprise sont encore sous le choc. «Il y a eu un communiqué de la DGI qui annonçait la déductibilité fiscale des dons faits au Fonds spécial Covid-19. Une soudaine décision de non-déductibilité soulèverait un problème de crédibilité, voire de continuité des annonces faites par l’administration», a ainsi réagi un responsable au sein de la CGEM, contacté par Le360.
«Si les entreprises avaient su que leurs dons n'étaient pas déductibles, elles auraient réduit leur effort de contribution au Fonds spécial sans que cela n’affecte les recettes globales de l’Etat: elles auraient versé 70% de leur donation et maintenu 30% de versement au titre de l’IS, de sorte que leur contribution globale serait restée la même», a-t-il ajouté.
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Il faut rappeler que les entreprises ont cotisé à titre volontaire au Fonds spécial Covid après que la DGI a décidé de traiter ces contributions comme des dons revêtant le caractère de charges comptables déductibles du résultat fiscal. La non-déductibilité de l’IS de ces dons pourrait rendre plus difficile la situation financière d’entreprises déjà affaiblies par le déficit de leurs trésoreries consécutif au confinement, poursuit notre interlocuteur à la CGEM.
Reste maintenant à savoir quelle sera la réaction de la DGI après le coup de théâtre au Parlement. «Si une telle disposition est votée, il ne faut pas oublier que la DGI a déjà émis un avis en avril actant administrativement la déductibilité. Par conséquent, l’appréciation de l’administration fiscale reste déterminante et pourrait, le cas échéant, en tenir compte dans le cadre de ses missions de contrôle», estime pour sa part, Mehdi El Fakir, expert comptable et commissaire aux comptes.
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