Actualité oblige, Ahmed Rahhou a d’emblée livré son analyse de la situation économique et sociale actuelle, dominée par la flambée des prix des matières premières, qu’elles soient agricoles, énergétiques, ou minérales. «Nous sommes dans un moment de grande hausse des matières premières au niveau mondial. Le Maroc, étant totalement intégré à l’économie mondiale, en subit le contrecoup, d’autant plus qu’une bonne partie de ces matières sont importées. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui nous observons une tension sur les prix sur le marché national», a-t-il expliqué.
Le président du Conseil de la concurrence ne manque pas de rappeler que «les règles de fixation des prix au Maroc sont basées sur le régime de l’offre et de la demande». Seule une vingtaine de produits ont des prix administrés par l’Etat, comme le sucre, les médicaments, les livres scolaires, l’eau, ou encore les transports… «A part ces produits, tous les autres ont des prix libres, obéissant au jeu de l’offre et de la demande. La loi a d’ailleurs interdit, explicitement, toute concertation sur les prix. Notre rôle consiste donc, entre autres, à veiller à ce qu’il n’y est pas d’accord et de concertation», a expliqué Ahmed Rahhou.
C’est dans ce sens que le Conseil de la concurrence a diffusé récemment un communiqué, réagissant à celui émis par une association de transporteurs invitant ses membres à opérer une hausse concertée des prix. «Nous avons fait un rappel à la loi. Les ententes sur les prix sont interdites et punies, assez sévèrement d’ailleurs», a souligné Ahmed Rahhou, insistant sur le fait que le libre jeu de la concurrence est dans l’intérêt du consommateur. «Cela permet d’avoir des produits de meilleure qualité, disponibles et au prix le plus bas», a-t-il argumenté.
«La loi nous donne le droit de sanctionner ce type de pratique. Nous sommes dans une phase de pédagogie qui nécessite des rappels à l’ordre. Mais s’il y a des comportements qui vont loin dans ce sens, c’est-à-dire qui touchent les prix sur les marchés, nous allons faire notre travail, enquêter et prendre les mesures nécessaires», a-il assuré.
Ahmed Rahhou a également battu en brèche certaines critiques qui reprochent au Conseil de la concurrence de se contenter de rappel à l’ordre dans ce genre d’affaires. «Notre action a servi, puisque l’association en question a fait marche arrière», a-t-il d’abord fait remarquer, ajoutant que ce rappel à l’ordre a visiblement eu un effet dissuasif sur d’autres associations qui pensaient faire la même chose et qui se sont abstenues. «Le fait est qu’aujourd’hui, plus aucune association n’appelle à augmenter les prix de manière concertée», a-t-il affirmé.
Ceci dit, a-t-il poursuivi, «nous sommes en train de regarder si, dans certains domaines, les prix ont exagérément augmenté, car cela peut être les prémices d’une pratique illicite». En d’autres termes, il s’agit de savoir si les hausses des prix sur le marché national sont dues seulement à l’inflation observée à l’international.
Dans ce cadre-là, Ahmed Rahhou insiste sur un point fondamental: «nous sommes une quasi-juridiction dotée d’un pouvoir de sanctions. Il n’est pas possible de pointer du doigt qui que ce soit sans preuves matérielles. Les procédures que nous suivons sont celles de la justice, et à ce titre, ces procédures peuvent être longues». «Nous sommes dans le temps de l’analyse fine, détaillée, et sérieuse des choses», a-t-il insisté.
Bientôt un observatoire des prix et de la concentrationAhmed Rahhou a par ailleurs annoncé la mise en place d’un observatoire des prix et de la concentration, qui viendra étoffer le dispositif d’alerte du Conseil. Un mécanisme de suivi des décisions du Conseil est également en cours d’élaboration. «Il s’agit d’être présent, sur le marché, de façon à vérifier que les décisions du Conseil sont bien respectées», a-t-il expliqué. «Ce renforcement de nos structures va nous permettre de mieux coller au marché», a-t-il ajouté.
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Ahmed Rahhou a également dressé un premier bilan de son action à la tête du Conseil de la concurrence, presqu’un an jour pour jour après sa nomination par le roi Mohammed VI. «A mon arrivée, il y avait une petite crise décisionnelle (liée au traitement du dossier des hydrocarbures, Ndlr). Mon premier objectif a été de remettre en marche les instances du Conseil», a-t-il indiqué.
Cette année de reconstruction a notamment été marquée par la refonte du règlement intérieur du Conseil et la fluidification des procédures administratives, qui concernent en particulier les opérations de concentration économique, pour lesquelles le Conseil doit être notifié obligatoirement par les entreprises concernées. «Nous recevons 120 dossiers par an, c’est donc une activité de tous les jours», a affirmé Ahmed Rahhou.
«Nous avons refondu nos procédures et même notre structure interne, et nous avons renforcé nos équipes. Aujourd’hui, nous sommes en état de marche. Reste en attente le chantier de la refonte du cadre législatif entourant la loi sur les prix et la concurrence, qui a été cité dans le communiqué royal (communiqué du 22 mars 2021 annonçant la nomination d’Ahmed Rahhou à la présidence du Conseil, Ndlr.). Nous sommes dans l’attente de ce projet de loi pour que le Conseil puisse donner son avis», a-t-il fait savoir.
La finalisation de la réforme de la loi sur les prix et la concurrence est, rappelons-le, un préalable nécessaire à la résolution du dossier des hydrocarbures. Sur ce point, Ahmed Rahhou a été catégorique: «Ce dossier reste ouvert, et reste entre les mains du Conseil de la concurrence. Nous l’ouvrirons dès que la loi sur les prix et la concurrence sera amendée et promulguée».
En conclusion, le président du Conseil de la concurrence a tenu à insister sur un point qu’il juge fondamental: «l’objet même de notre mission, c’est la protection du consommateur et de l’investisseur. Nous mettons notre action dans les pas de ce que prévoit le nouveau modèle de développement, qui a une ambition pour le Maroc dans la suite des grandes orientations fixées par Sa Majesté le Roi. Dans le rapport du nouveau modèle de développement, le mot concurrence est cité une vingtaine de fois. Derrière, il y a le bien-être du citoyen-consommateur qui est recherché, une économie efficiente et une ouverture aux investisseurs. Nous sommes dans cette logique».