Pour soutenir les futurs propriétaires, le gouvernement compte revoir sa politique d’aide à l’accès au logement dès l’année prochaine. Annoncée parmi les grandes orientations de la note de cadrage du Projet de loi de finances (PLF) 2023, l’exécutif étudie désormais la possibilité de «remplacer les exonérations fiscales accordées aux promoteurs immobiliers, par une aide financière directe aux ménages».
Ce changement de cap intervient également suite à la fin des programmes de logements sociaux, avec l’échéance de décembre 2020 des exonérations fiscales accordées aux promoteurs, sans qu’aucune alternative ne soit proposée, deux ans plus tard.
Lire aussi : Crédit immobilier: hausse des taux en perspective
C’est dans ce sens que plusieurs réunions ont été tenues ces derniers mois entre les promoteurs immobiliers et le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat pour réfléchir à la nouvelle formule qui permettrait d’assurer, durant les prochaines années, des logements accessibles pour les ménages à faibles revenus.
A noter que si des appartements économiques à 250.000 dirhams sont toujours disponibles sur le marché, c’est que plusieurs conventions ont été signées avant fin 2020, et que les projets concernés n’ont pas encore été achevés. Près de 100.000 logements sociaux devraient encore être livrés d’ici fin 2026 selon les dernières données communiquées par la ministre de l’Habitat, Fatima Ezzahra El Mansouri, en début d’année.
Contacté par Le360, un membre de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), qui a requis l’anonymat, indique que plusieurs facteurs expliquent le retard accusé dans la mise en place d’une alternative au programme de logement social, notamment l’absence de compromis entre la tutelle et les professionnels concernant le prix de vente TTC à fixer, la fiscalisation du secteur et la conjoncture économique.
«Le ministère de l’Habitat est en train de mettre au point un nouveau programme, nous avons tenu plusieurs réunions dans ce sens, mais à ce jour les options proposées ne font pas l’unanimité des promoteurs», souligne notre interlocuteur.
Parmi les options mises sur la table figurent l’aide directe aux acquéreurs et la réduction du taux bancaire pour les crédits à l’habitat, en parallèle, la tutelle propose aux promoteurs de produire des logements à 300.000 dirhams TTC, en payant l’ensemble des impôts.
Lire aussi : Flambée des prix des matières premières: perturbation des chantiers de l’immobilier et hausse du prix du mètre carré
Une option qui s’est heurtée à un refus catégorique de la part des promoteurs, qui étaient exemptés d’impôts jusque-là. «La tutelle nous propose de produire à 300.000 dirhams TTC en payant l’ensemble des taxes, alors qu’aujourd’hui on vend à 294.000 TTC alors qu’on est exonéré d’impôts. Ce n’est pas faisable, surtout que les prix des matériaux de construction et du foncier ont flambé», poursuit ce même promoteur immobilier.
En effet, depuis 2010, les promoteurs immobiliers produisent les logements sociaux à 294.000 dirhams TTC, tout en bénéficiant d’une exonération de l’IS, des droits d’enregistrement et de timbre, des droits d’inscription sur les livres fonciers, de la taxe professionnelle, de la taxe sur les terrains urbains non bâtis et de la taxe sur les opérations de construction.
Les acquéreurs bénéficient, quant à eux, du montant de la TVA afférente au logement social, versé au notaire sur la base du compromis de vente, soit une réduction de 40.000 dirhams sur le prix d’achat.
Flambée du prix des matériaux de construction Selon notre interlocuteur, l'option la plus viable pour les promoteurs est de leur permettre de produire à 350.000 dirhams TTC pour pouvoir compenser le surcoût de production lié à la hausse des prix des matières premières sur le marché international ou alléger la fiscalité du secteur.
En effet, la flambée des prix des matériaux de construction, qui dure depuis plus d'un an, a eu un impact significatif sur le fonctionnement de plusieurs chantiers. Certains promoteurs ont même décidé de suspendre leur chantier jusqu'à la stabilisation de la conjoncture internationale.
Lire aussi : Immobilier: le gouvernement donne un nouveau coup de pouce aux futurs acquéreurs
«Nous savons qu’il y a des promoteurs immobiliers qui ont réduit la cadence des chantiers, voire même suspendu la construction des logements programmés à cause de la flambée des prix. Les demandes d’autorisation de chantier ont été réduites d’au moins 50% cette année», explique notre interlocuteur.
Et d’ajouter: «Il y a eu une petite régression des prix ces derniers temps, mais ça reste quand même cher. Le kilo du rond à béton qui avait atteint les 15 dirhams, se vend aujourd’hui à 11 dirhams, mais on est encore loin du prix d’avant crise qui était de 6,5 dirhams. Même constat pour les briques, les planchers et le ciment dont le prix a doublé».
Un foncier plus accessible et une expansion verticaleL’autre option proposée à la tutelle est une refonte de la politique d’urbanisation de manière à rendre accessible un foncier à un moindre prix et permettre une expansion verticale des villes. «Si on avait un foncier accessible à un prix raisonnable et une stabilité des prix des matières premières, le problème ne se poserait pas, mais là, c'est infaisable, on ne peut pas produire à perte», explique le membre de la FNPI.
«Le secteur a besoin d’une réforme en profondeur, les lois de l’urbanisme sont désuètes, sont dépassées, l’accroissement des villes à l'horizontale n’est pas une solution, il faut davantage de verticalité, pour pouvoir répondre à la demande du marché avec un prix raisonnable», poursuit-il.
Lire aussi : Immobilier: le rythme des constructions maintient sa tendance à la baisse
Et d’ajouter: «Le secteur du bâtiment est soumis à des taxations supplémentaires très lourdes, à savoir le droit d’enregistrement et de conservation foncière qui représentent pour un bien neuf 10 à 12% du prix de vente qui, au final, est supporté par le consommateur. Nous avons présenté nos propositions, il faut désormais que le ministère fasse un effort si on veut répondre aux besoins des citoyens».
Le logement social victime de son succèsInterrogé sur la baisse des transactions du secteur cette année, le promoteur immobilier assure que la demande est toujours présente, mais que l’offre ne répond pas au budget des Marocains qui ont vu leur pouvoir d’achat baisser à cause de l’inflation, la seule branche épargnée étant celle des logements sociaux qui ont un prix plafonné à 250.000 dirhams.
Cependant, force est de constater que plusieurs logements sociaux n’arrivent pas à trouver preneurs, des cas «isolés» selon notre interlocuteur qui explique que seuls des logements mal aménagés sont concernés.
«Le logement social s’est amélioré tout au long du programme. On est passé d’un logement à trois pièces à un appartement de quatre pièces. Les appartements mal conçus, mal ensoleillés ou bâtis en banlieue, à l’extérieur des grandes villes, ont effectivement des difficultés à trouver acquéreur», reconnaît-t-il.