Le Conseil de la concurrence a rendu public, lundi 26 septembre 2022, son avis n°A/3/22 sur la flambée des prix des intrants et matières premières au niveau mondial et ses conséquences sur le fonctionnement concurrentiel des marchés nationaux pour le cas des carburants. Il s’est aussi prononcé sur les activités de raffinage au Maroc, un dossier qui ne cesse de faire couler de l’encre, surtout avec les dernières hausses des prix des carburants au Maroc.
Dans son avis, le Conseil souligne la difficulté de se prononcer sur l’opportunité de maintenir et de développer une activité de raffinage au Maroc. Une difficulté inhérente à «la structure des prix telle qu’appliquée du temps où l’unique raffineur du pays était en activité, et en l’absence de données sur ses coûts réels de raffinage, de ses coûts de revient, de ses marges et sa rentabilité», lit-on dans l’avis du Conseil. Résultat : «Economiquement parlant, il est impossible de mesurer les effets positifs potentiels de cette activité en termes de réduction des prix de vente à la pompe».
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Conscients que ce constat ne suffirait pas pour dissuader les «Pro-La Samir» de l’impact que pourrait avoir la seule raffinerie marocaine sur le prix à la pompe du carburant, les membres du Conseil ont cherché des arguments en extra-muros. «L’activité de raffinage au niveau mondial connaît, actuellement, des restructurations de grande ampleur et la tendance actuelle de cette industrie va plutôt vers plus de spécialisation», note-t-on dans l’avis.
Il y est aussi précisé que les deux grandes zones géographiques du monde où il y a eu des créations de raffineries au cours des dernières années sont le Moyen-Orient avec les grands pays producteurs du pétrole et l’Asie dont les marchés de certains pays connaissent une explosion de la demande sur ces produits à l’instar de l’Inde et de la Chine.
Un autre argument: les pays européens, de l’Amérique latine et de l’Amérique du Nord ont procédé à la fermeture des raffineries pour leur «insuffisance de rentabilité», soulignent les auteurs de l’avis, sans toutefois donner le nombre de raffineries toujours opérationnelles dans ces régions.
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Alors que des pays préfèrent se passer de leurs raffineries, d’autres y mettent le paquet. Pour les membres du Conseil de la concurrence, l’investissement en nouvelles raffineries en Asie s’expliquent par «la forte demande locale au regard des forts taux de croissance économique à deux chiffres enregistrés par ces pays», alors que la création de nouvelles raffineries au Moyen-Orient «est liée à la disponibilité et à l’accès facile aux grands gisements pétroliers de ces pays leur accordant un avantage compétitif».
Un autre élément, et pas des moindres, les nouvelles raffineries de ces pays, utilisant les dernières technologies de raffinage, «sont orientées vers le marché de l’export avec des économies d’échelle importantes et des unités extrêmement modernes», poursuit-on. Il s’agit là des critères à retenir pour maintenir et développer des raffineries, et le Maroc n’en remplit aucun.
Après ce plaidoyer, les membres du Conseil ont recommandé au gouvernement de «diligenter, en urgence, une étude économique et technique approfondie susceptible d’apporter des éléments de réponse précis en intégrant les évolutions que connaît cette activité sur le marché mondial». L’objectif de cette étude est de disposer de données économiques précises et actualisées sur l’industrie de raffinage à l’échelle mondiale pour faire les arbitrages nécessaires pour le maintien et le développement éventuels d’une activité de raffinage au Maroc.
Un Conseil, deux discoursSans prendre une position claire sur ce dossier, l'institution dirigée par Ahmed Rahhou a développé un discours qui va à l’encontre de celui défendu sous le mandat de Driss Guerraoui. En effet, dans un avis relatif au projet de décision du gouvernement concernant le plafonnement des marges bénéficiaires des carburants liquides, rendu en février 2019, le Conseil alors dirigé par Driss Guerraoui avait estimé que «le maintien de l’activité locale du raffinage est indispensable».
«Outre le fait qu’elle contribue à rétablir les équilibres concurrentiels, elle permet à la ou (les) structure(s) en charge du raffinage de jouer le rôle de contre-pouvoir vis-à-vis des opérateurs dominants dans les segments d’importation, de stockage et de la distribution en gros», arguaient alors les membres du Conseil. Ces derniers avaient recommandé au gouvernement de «mettre en place un dispositif spécifique d’encouragement de l’investissement dans l’industrie de raffinage privé et/ou dans le cadre d’un partenariat public-privé».