La lettre de l’Association marocaine des pilotes de ligne (AMPL) intervient quelques jours après la réunion, jeudi 13 août, de la commission provinciale chargée de statuer sur la demande d’autorisation de licenciements (pour motifs économiques) à l’initiative de la compagnie nationale Royal Air Maroc (RAM). Cette demande porte sur le licenciement de 140 salariés, dont 65 pilotes, 59 hôtesses de l’air/stewards et 16 collaborateurs relevant du personnel au sol.
A l'issue de la réunion de cette commission, 9 membres se sont prononcés en faveur du plan de licenciement de RAM, dont 4 représentants ministériels (Finances, Emploi, Tourisme, Industrie) et 5 représentants de la CGEM. Les 5 représentants des syndicats se sont quant à eux opposés audit plan, estimant que le dossier est entaché de plusieurs irrégularités.
Dans leur correspondance datée de ce lundi 17 août, dont Le360 détient copie, l’AMPL veut alerter la gouverneure de Hay Hassani sur ce qu’elle qualifie de «non-respect manifeste par la compagnie Royal Air Maroc et par l’administration, du droit, de la loi, des engagements pris et de la nécessité de préserver l’emploi».
Les pilotes s’interrogent sur «l’impartialité et l’indépendance» de la commission provinciale, constituée après le dépôt de la demande d’autorisation de licenciements auprès du délégué provincial de l’emploi. Or, relève l’AMPL, ce type de commission devrait légalement préexister à toute demande d’autorisation de licenciement pour motif structurel. Aux yeux des pilotes, la commission provinciale a été constituée «avec pour objectif si peu caché d’aboutir à autoriser coûte que coûte les licenciements économiques demandés par RAM». Cette commission, ajoute la lettre, doit donc préexister aux demandes d’autorisation et ne doit pas être constituée uniquement pour répondre à une demande spécifique comme cela semble être le cas au sujet de RAM.
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L’AMPL soulève également la célérité avec laquelle la procédure a été menée, pointant «le non-respect par la déléguée provinciale de l’emploi de ses obligations et prérogatives légales, notamment en matière d’investigations et de vérifications de la validité tant sur la forme que sur le fond de la demande d’autorisation présentée par RAM».
L’AMPL affirme avoir écrit à plusieurs reprises au cours des derniers mois à RAM pour l’informer de sa disponibilité à mener des négociations et des concertations en vue de construire collectivement des réponses solidaires à la crise. «Ces lettres sont restées majoritairement sans réponse et n’ont produit aucun effet», déplorent les pilotes, ajoutant que les documents permettant aux représentants du personnel d’analyser et de comprendre la situation économique et sociale de l’entreprise n’ont jamais été partagés. «Ces documents importants n’ont pas non plus été remis à la déléguée provinciale de l’emploi, rendant ainsi vaine toute velléité d’enquête sur la situation et la procédure justifiant le recours à des licenciements économiques», est-il précisé.
«Comment statuer de bonne foi et de manière impartiale sur la demande d’autorisation de RAM si l’ensemble des démarches préalables notamment la consultation, la négociation et la concertation, la transmission de document, l’enquête du délégué provincial, exigées par la loi et le Code du travail, n’ont absolument pas été respectées?», s’interroge l’AMPL dans sa lettre.
Par ailleurs, invitant à une lecture responsable du Code du travail dont l’objectif est de contraindre l’employeur à assumer le débat avec les représentants du personnel, non seulement sur la nécessité du recours aux licenciements et les efforts de reclassement, mais aussi sur la situation économique de l’entreprise sur la pertinence de ses choix.
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«Malheureusement, le simulacre de procédure et l’absence de contrôle de la bonne foi de la RAM ainsi que du respect de la loi et du droit sont de nature à ouvrir la voie à l'utilisation massive des licenciements pour motif économique dans notre Royaume et ainsi plonger des milliers de nos concitoyens dans la précarité. L'absence de volonté de contrôle du respect de la loi provoquerait ainsi une situation d'insécurité juridique et sociale pour une part grandissante des salariés de RAM et de leurs familles, et du tissu social en général dont vous avez la responsabilité», ajoute la même source.
En se référant au discours du Trône du 29 juillet 2020, dans lequel le souverain a invité à «mutualiser les efforts de tous les Marocains, afin de relever les défis à venir», les membres de l’AMPL se disent «disposés à prendre à charge, par une réduction corrélative de leurs émoluments financiers, le coût de la réduction de la masse salariale dont aurait bénéficié RAM en procédant au licenciement économique de 140 salariés. Mieux encore, pour accompagner cet effort, l’AMPL propose un «gel complet du versement des primes variables pour l’ensemble du personnel bénéficiaire de cette prime, y compris le personnel d’encadrement administratif, tant que la crise liée à la pandémie de Covid-19 perdurera.
«Ce gel complet du versement des primes variables pour l’ensemble du personnel bénéficiaire de cette prime permettrait, sur la base des chiffres de 2018, des économies additionnelles à hauteur de 154 millions de dirhams pour le personnel navigant technique (PNT) et 67 millions de dirhams pour le personnel au sol bénéficiaire de la prime variable annuelle», explique l’AMPL.
Cette solution a l’avantage de permettre d’atteindre l’objectif de réduction de masse salariale envisagée par RAM tout en préservant les 140 emplois. «Nous avons à plusieurs reprises tenté de proposer cela à RAM, mais sans succès, cette dernière refusant toujours toute forme de concertation et de dialogue malgré nos multiples démarches et sollicitations», souligne l’AMPL.
Enfin, pour concrétiser cette proposition, les pilotes de ligne invitent la direction de RAM à signer un «Accord de solidarité et d’avenir» qui permettrait, d’une part, d’obtenir la réduction de la masse salariale souhaitée par la RAM et, d’autre part, la préservation de l’emploi des pilotes, du personnel navigant de cabine et du personnel au sol.