Le crowdfunding expliqué par Sarah Jaidi, co-fondatrice de Kiwi Collecte, l’une des trois plateformes agréées au Maroc

Sarah Jaidi, co-fondatrice de la plateforme de crowdfunding Kiwi Collecte.

EntretienDans cet entretien avec Le360, Sarah Jaidi, co-fondatrice de Kiwi Collecte, l’une des trois plateformes de crowdfunding agréées au Maroc, révèle le type d’agrément obtenu, le business model du portail ainsi que les premiers projets qui seront financés au Maroc.

Le 02/07/2024 à 17h05

Lors de la conférence de presse organisée le mardi 25 juin à Rabat, à l’issue de la deuxième réunion trimestrielle du Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a révélé l’octroi des trois premiers agréments aux sociétés de financement collaboratif (SFC), dont un pour la catégorie «don».

Un palier majeur dans le développement du crowdfunding au Maroc, après la publication en septembre 2023 des circulaires de BAM et de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) relatives aux conditions d’obtention des agréments pour les activités de don, de prêt et d’investissement.

Dans cet entretien avec Le360, Sarah Jaidi, co-fondatrice de la plateforme de crowdfunding «Kiwi Collecte», qui a obtenu un agrément dans la catégorie «don», présente son business model et dévoile les premiers projets qui seront financés au Maroc.

Le360. Quand avez-vous reçu votre agrément de crowdfunding?

Sarah Jaidi: Nous l’avons reçu début mars 2024. C’était attendu, car nous avions suivi l’évolution de notre dossier auprès de Bank Al-Maghrib depuis plusieurs mois. Nous sommes heureux de l’avoir obtenu. C’est l’aboutissement de deux années de travail et de coordination avec la Banque centrale et d’autres institutions comme le ministère des Finances.

La plateforme Kiwi Collecte est spécialisée dans la catégorie «don». Concrètement, quelles sont vos activités ?

Nous sommes focalisés sur des collectes à destination de projets dans des domaines comme la culture, le sport, ou encore l’entrepreneuriat, particulièrement pour les startups qui peinent à obtenir des financements auprès des banques et des autres structures de financement traditionnelles.

Justement, quel est votre business model pour ces différents services?

À l’instar de beaucoup de plateformes spécialisées dans le financement participatif, Kiwi Collecte prélève une commission sur le montant collecté à l’issue d’une campagne de crowdfunding. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler dans ce sens, pour proposer des montants faibles, afin d’inciter les porteurs de projets à mobiliser davantage leurs communautés pour financer leurs projets.

Pour le moment, Kiwi Collecte finance ses activités en fonds propres. Des investisseurs nous ont contactés pour entrer dans notre capital, mais pour l’heure, nous souhaitons d’abord lancer et consolider notre activité avant d’effectuer une levée de fonds fin 2024.

Quand comptez-vous lancer vos activités au Maroc ?

Jusque-là, l’équipe de plateforme, composée de moi-même, du co-fondateur Othmane Lamrini et des collègues qui gèrent la partie technique, était basée en France. Nous prévoyons de déménager cet été et déployer toute l’activité au Maroc à partir de septembre prochain. D’autres collaborateurs seront recrutés pour assurer la vérification de la qualité des projets qui seront soumis sur la plateforme, un process qui constitue le cœur du métier de crowdfunding.

«Dès le démarrage de nos activités en septembre prochain, nous lancerons deux campagnes pour financer un projet culturel et un autre destiné au financement des études de bacheliers marocains.»

—  Sarah Jaidi, co-fondatrice de la plateforme de crowdfunding Kiwi Collecte.

Nous avons entamé des démarches pour établir des partenariats avec des fournisseurs de paiement en ligne et avec une banque marocaine qui hébergera les fonds collectés sur notre plateforme, comme le stipule la réglementation de Bank Al-Maghrib. Les discussions seront finalisées avant la rentrée.

Quels seront les premiers projets qui seront financés au Maroc?

Le démarrage de nos activités au Maroc sera marqué par le lancement de campagnes de crowdfunding pour financer deux projets: un premier dans la culture et le second destiné au financement des études de bacheliers marocains. D’autres initiatives seront lancées au fur et à mesure, notamment une grosse campagne dédiée à la solidarité et au handicap.

Qui est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans le crowdfunding ?

Othmane Lamrini et mois habitons en France depuis presque 20 ans. Nous disposons de compétences indispensables pour le crowdfunding. Il est spécialisé dans la finance et les levées de fonds, qui constituent le cœur du métier de crowdfunding. Pour ma part, je suis spécialisée dans le conseil des structures digitales.

Nous avons décidé de mettre ces compétences ensemble au Maroc, dans la foulée de la publication, en mars 2021, de la loi 15-03 sur le financement participatif.

La campagne en ligne que vous aviez lancée en septembre 2023 pour les victimes du séisme au Maroc avait permis de collecter plus de 800.000 euros. Pensez-vous qu’elle a donné de la visibilité à Kiwi Collecte?

Absolument. Cela a surtout permis de mieux comprendre l’impact du crowdfunding au Maroc, une activité qui permet de lancer des campagnes en quelques secondes qui deviennent virales grâce aux réseaux sociaux. L’engouement autour de cette campagne a montré qu’en cas d’urgence ou de tragédie, les Marocains et la diaspora africaine n’ont pas seulement envie, mais besoin d’aider. Et le succès de cette opération en est la preuve.

«Pour favoriser l’essor du crowdfunding au Maroc, il est impératif de mettre en place un écosystème intégré entre les plateformes, les banques et les fournisseurs de paiement en ligne.»

—  Sarah Jaidi, co-fondatrice de la plateforme de crowdfunding Kiwi Collecte.

Selon vous, l’octroi des trois premiers agréments pourra-t-il favoriser l’essor du crowdfunding au Maroc?

Il est encourageant de constater qu’il y a de plus en plus d’acteurs qui se lancent dans le crowdfunding au Maroc, soit sur le don, les prêts ou les investissements. Toutefois, à mon avis, le développement du financement participatif au Maroc ne se mesure pas au nombre d’agréments octroyés.

Pour favoriser l’essor de cette activité, il est impératif de mettre en place un écosystème intégré entre les plateformes, les banques et les fournisseurs de paiement en ligne. Des frais de paiement ou bancaires élevés et une réticence du secteur bancaire vis-à-vis du crowdfunding risquent de plomber son essor.

Par Elimane Sembène
Le 02/07/2024 à 17h05