L’indice d’adoption globale des cryptomonnaies de la firme américaine de recherche Chainalysis classe le Maroc en 24e position à l’échelle mondiale en 2021. Ce classement se base sur trois indicateurs: la valeur des cryptomonnaies reçues, celle du commerce de détail transféré et le volume d’échange.
Pourtant, l’utilisation des monnaies virtuellement au Maroc est formellement interdite à ce jour. Selon l’Office des changes, toute transaction en cryptomonnaie sur le territoire marocain est interdite depuis 2017. Dans un communiqué, le régulateur explique que «les transactions effectuées via les monnaies virtuelles constituent une infraction à la réglementation, passible de sanctions et amendes».
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Interrogé par Le360, Badr Bellaj, spécialiste de la Blockchain et des cryptomonnaies, explique qu’il est difficile d’interdire les cryptomonnaies sur le terrain ou même de restreindre leur utilisation. «Beaucoup d'utilisateurs ne prennent pas au sérieux cette interdiction, ils estiment qu’elle n’est pas légitime et ont donc du mal à se priver du profit qu’ils peuvent engendrer», précise-t-il.
Selon cet expert, «les cryptomonnaies garantissent l’anonymat des utilisateurs, il n’y a aucun moyen de savoir ce qu’un Marocain détient en cryptomonnaie. Je peux avoir n’importe quel montant de bitcoins, personne ne peut le vérifier».
En effet, le détournement passe généralement par l’échange de cryptomonnaies directement contre du cash afin d’échapper à la traçabilité des systèmes bancaires. «Beaucoup de Marocains utilisent des plateformes d’échange de gré à gré. Sur ces plateformes, le vendeur de Bitcoins, par exemple, affiche son offre. L’acheteur entre en contact avec lui et ils se mettent d’accord sur le mode de paiement de la transaction, soit via un virement, soit en cash. Il existe même des groupes Facebook qui permettent de mettre en relation acheteurs et vendeurs», explique Badr Bellaj.
Mais pourquoi alors tant d’engouement ? Pour ce spécialiste, les Marocains utilisent en masse et à large échelle ces cryptomonnaies, parce qu’elles permettent de résoudre un certain nombre de problématiques et d’obstacles qui figurent dans le système classique tout en offrant de grandes opportunités d’investissement. L’explosion des cours des différentes monnaies virtuelles et la couverture médiatique du phénomène ont également permis de faire découvrir le concept et d’élargir le nombre d’utilisateurs potentiels.
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«Beaucoup de jeunes au Maroc utilisent la cryptomonnaie pour une activité d’investissement afin d’améliorer leur situation financière. Il est facile de marchander dans la cryptomonnaie. La fluctuation attire les chercheurs d’opportunités. Là où il y a de la fluctuation, il y a forcément un profit», explique-t-il.
Pour Badr Bellaj, «utiliser la cryptomonnaie pour trader et marchander c’est quelque chose de très simple et facile, il suffit d’installer une application sur son téléphone et commencer à acheter et revendre ces cryptos en ligne. C’est comme l’échange de devises mais avec une fluctuation plus importante et plus intéressante. On a vu que le cours du bitcoin par exemple a carrément quadruplé ces derniers mois».
Les cryptos-actifs sont également utilisés par les Marocains comme moyen de paiement et de règlement en ligne des achats. «Au Maroc la dotation e-commerce est plafonnée, les cryptomonnaies sont donc une alternative pour dépasser ce plafond», précise-t-il, expliquant que «presque tous les géants d’internet qui offrent des services et des produits acceptent le règlement par bitcoin».
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Le troisième facteur qui pousse les Marocains à recourir à ces monnaies est celui des transferts transfrontaliers. «Au Maroc le coût de transferts d’argent est très cher contrairement aux cryptomonnaies. Grâce à la technologie Blockchain, on peut envoyer 1 million de dollars, ça ne coûtera pas plus de 20 dollars», détaille ce spécialiste.
En plus du Maroc, plusieurs autres pays d'Afrique figurent dans le top 20 des utilisateurs de crypto actifs au monde, comme le Kenya, le Nigéria et le Ghana. «Ces pays partagent la même problématique, les monnaies locales ne sont pas convertibles, les dotation de e-commerce sont plafonnées et le coût du transfert d’argent est très élevé. Les crypto-monnaies apparaissent alors comme une alternative parfaite pour les utilisateurs».
Face à ces nombreuses opportunités, Badr Bellaj estime qu’il est plus judicieux de réglementer l’usage des cryptomonnaies au Maroc que de les interdire. «Plusieurs pays inspectent actuellement la possibilité de lancer des monnaies centrales digitales (CBDC) qui ressemblent à ces cryptomonnaies. Ces CBDC pourront avoir un impact positif sur l’économie. Elles permettront d’accélérer les transactions, réduire le coût opérationnel, s’acquitter du coût de la gestion du cash et offrir une meilleure traçabilité pour lutter contre les fraudes fiscales», explique-t-il.