Le relèvement du taux directeur de Bank Al-Maghrib suffira-t-il pour venir à bout de l’inflation?

Un chariot rempli de courses dans un supermarché (photo d'illustration).

Pour faire face à la montée de l’inflation, Bank Al-Maghrib a récemment relevé son taux directeur à 3%, une décision nécessaire mais qui semble être insuffisante pour restreindre la demande et faire baisser les prix face à une politique budgétaire, au contraire, expansive. Décryptage.

Le 24/03/2023 à 16h11

Pour la troisième fois consécutive, Bank Al-Maghrib a relevé son taux directeur de 50 points de base à 3%, à l’issue de son premier Conseil de l’année, tenu le 21 mars. Selon le communiqué de la banque centrale, cette décision, qui a pris effet jeudi 23 mars, a pour objectif de «prévenir l’enclenchement de spirales inflationnistes auto-entretenues» et «favoriser le retour de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix».

En effet, le resserrement de la politique monétaire de BAM intervient alors que l’inflation ne cesse de s’envoler. Selon les dernières statistiques du Haut-commissariat au plan (HCP), l’indice des prix à la consommation (IPC) a enregistré une hausse d’environ 10,1% en février 2023, comparé à la même période en 2022, tiré essentiellement par l’envolée des prix des produits alimentaires, qui ont augmenté de 20,1% durant la même période.

Stopper l’hémorragie

Interrogé par Le360 sur la pertinence du resserrement de la politique monétaire de BAM, l’économiste Nabil Adel estime que cette décision est «complètement justifiée» même si elle arrive en retard, l’institution n’ayant commencé à relever son taux directeur qu’à partir de septembre 2022, alors que l’inflation était là bien auparavant et que plusieurs banques centrales dans le monde avaient relevé leur taux directeur, notamment en Europe et aux États-Unis.

Selon notre expert, l’inflation au Maroc est bien d’origine monétaire et nécessite l’intervention de BAM pour assécher les liquidités sur le marché. «Le rythme de la masse monétaire progresse beaucoup plus rapidement que le rythme de production depuis plusieurs années. La crise du Covid-19 n’a fait que faire exploser une inflation latente. On ne peut plus dire que cette inflation est importée. Nous voyons bien aujourd’hui que même si les prix sur le marché international baissent, le taux d’inflation au Maroc continue d’augmenter», explique-t-il.

En effet, le PIB national a évolué de 1,3% en 2022 par rapport à 2021, selon le HCP, alors que la masse monétaire (l’agrégat M3), qui désigne la quantité de monnaie en circulation dans l’économie, a évolué de 8% durant la même période pour s’établir à 1.686,4 milliards de dirhams, d’après les statistiques de BAM.

Une chaîne de transmission complexe

Pour ce qui est de l’impact de la hausse du taux directeur sur l’évolution des prix à la consommation, Nabil Adel note qu’il est difficile de mesurer l’effet du resserrement de la politique monétaire de BAM à court terme, en raison de la complexité de la chaîne de transmission qui peut prendre plusieurs mois. «Quand Bank Al-Maghrib relève son temps directeur, il faut du temps pour que les banques commerciales s’adaptent et relèvent leurs taux débiteurs. Cela se traduit par la suite par une baisse du volume des crédits bancaires, suivie d’une baisse de la demande financée par crédit et in fine une stabilisation des prix», détaille-t-il.

Et d’ajouter: «Cette chaîne peut prendre plusieurs mois. Il arrive qu’on observe que malgré la hausse des taux la demande reste importante, parce que les agents économiques continuent de penser que le coût de l’endettement est abordable. Il faut donc beaucoup de temps pour que ce coût devienne cher et dissuasif.»

Un grand trou à combler

Notre interlocuteur observe, par ailleurs, que la politique budgétaire gouvernementale va à l’inverse de l’effort de BAM pour contrer l’inflation. Selon lui, si d’un côté, la banque centrale cherche à assécher les liquidités, à réduire l’endettement et à faire baisser la demande intérieure pour maîtriser l’envolée des prix, l’exécutif continue d’injecter de l’argent dans l’économie en finançant différents projets.

«Toute politique budgétaire expansive annulera systématiquement les effets des mesures monétaires que prend et prendra Bank Al-Maghrib. Le gouvernement doit comprendre qu’il faut adopter une politique d’austérité et réduire ses dépenses publiques», alerte l’économiste, ajoutant que «le déficit budgétaire est un accélérateur d’inflation». En d’autres termes, la demande publique alimente automatiquement la demande globale et déclenche l’inflation.

«On fait aujourd’hui face à une inflation galopante à deux chiffres, c’est un phénomène macro-économique qu’il faut régler avec une politique monétaire stricte que BAM a engagée, mais il y a une fuite, c’est la demande publique. Il faut donc que le gouvernement prenne des décisions fermes, même si elles sont douloureuses socialement», conclut Nabil Adel.

Par Safae Hadri
Le 24/03/2023 à 16h11

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Il est temps d avoir un ministère de l économie et de se mettre au travail car à ce rythme d élève de classe ...la solution tombera dans 20 ans ...

Le nouveau modèle de croissance c est surtout ce changement culturel dans la solution ou les solutions aux problèmes structurels du maroc emploi et création de valeur propre et diversifié... L opportunité est là encore faut il la voir et se mettre au travail...

Une décision de politique monétaire de cette importance dans un contexte aussi particulier aurait mérité un débat constructif Tout report de l invetissement producif est synonyme de points de croissance et d emplois en moins ...

Au moment où le débat ouf enfin devient de qualité...nous allons payer cher l appauvrissement en compétences du département en charge de la politique économique du pays...

La décision de BAM de relever le taux directeur n est pas surprenante ...elle n a aucun économiste chevronné en son sein et son modèle est caduque...on peut se réjouir d avoir un tel débat au Maroc il était tant mais malheureusement aucune partie n est en mesure d apporter une réponse satisfaisante ...

Le contexte international et même national n est pas favorable à la baisse du taux directeur pour encourager l invetissement productif Que faire

Content de ses réussites dans l automobile le maroc fait confiance à ses capacités de traduire l investissement productif en création de richesse...

Au final le maroc d avant avait une politique monétaire en phase avec son modèle de croissance économique ...baisser ou augmenter les taux ...c est augmenter ou baisser la consommation et personne ne trouve à redire

Aujourd hui on a compris ouf qu une politique de croissance économique tirée par la production est possible...on est loin du compte au vu des incohérences multiples de la loi de finances

Pendant longtemps l economie nationale était tirée par la consommation ...tirée vers le goufre ....que les politiques publiques par facilité refusaient de comprendre l opportunité du Maroc à produire de la richesse gràce à ses capacités fussent telles limitées et ses atouts

Ce qui est en jeu lorsqu on parle d inflation ce sont les prix à la consommation et non l investissement ...vous avez d un côté une approche rigoriste et de l autre une volonté politique de relancer l économie par l investissement productif

Pour le citoyen lambda, il ne voit pas trop la relation de cause à effet entre cette décision de la BAM et la baisse des prix. Est-ce nos éminents économistes pourraient nous expliquer de manière plus simple ce mécanisme ?

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