Il existe désormais plus de 1.300 crypto-devises, selon le site spécialisé coinmarketcap. Samedi, elles valaient toutes ensemble plus de 400 milliards de dollars. Ethereum, Ripple ou Litecoin, elles reposent toutes sur la technologie de la "blockchain" à l'origine du bitcoin, un processus informatique ajoutant des blocs les uns aux autres pour former une grande chaîne réputée infalsifiable.
Les monnaies virtuelles échappent aux codes habituels de la finance. Faut-il les considérer comme une réelle devise, comme une matière première ou comme des start-ups? Sur quels critères les évaluer? À quelles réglementations vont-elles être soumises? Malgré ces interrogations, et les nombreux avertissements des autorités de régulation, les crypto-devises attirent de nombreux investisseurs, des adeptes de la technologie aux courtiers à la recherche de rendements élevés.
Les investisseurs institutionnels rechignent encore à s'impliquer dans des actifs à la nature juridique imprécise et à la très forte volatilité.
Le début dimanche des premiers échanges de produits adossés au bitcoin, mais payés en dollar, sur un marché financier ayant pignon sur rue, le Chicago board options exchange (Cboe), apporte à cet égard une touche de légitimité. Les investisseurs acceptant de détenir des monnaies virtuelles dans leurs portefeuilles peuvent en acheter directement sur des plateformes spécialisées.
À l'instar du Dow Jones, l'indice phare de Wall Street qui représente les trente plus grandes entreprises des États-Unis, il existe même un indice reflétant la valeur des trente monnaies virtuelles les plus importantes développé par la société Crypto Asset Management, le CamCrypto30 Index.
"Le niveau d'intérêt est hallucinant", indique à l'AFP son fondateur Timothy Enneking. "On ne fait pas de marketing et pourtant chaque jour des dizaines de gens nous contactent pour savoir comment investir dans l'espace crypto". Il est aussi possible de spéculer à la hausse ou à la baisse sur des places de marché privées, souvent basées en Asie. Aux États-Unis, la plateforme LedgerX a obtenu cet été le feu vert des autorités, mais elle reste confidentielle.
Quelques entreprises offrent aussi une exposition plus ou moins directe aux monnaies virtuelles. Qu'il s'agisse de sociétés uniquement dédiées à l'une d'entre elles, comme Bitcoin Investment Trust ou de groupes plus classiques comme Nvidia, un fabricant de semi-conducteurs utilisés dans les machines faisant fonctionner la "blockchain".
Il est toujours théoriquement possible de "miner" du bitcoin sur le réseau, mais cela requiert des serveurs puissants que seules des entreprises spécialisées ou des personnes s'étant regroupées peuvent gérer. Fidelity Investment, l'une des premières grandes sociétés américaines à s'être penchée sur le bitcoin il y a environ quatre ans, s'est lancée dans cette activité.
"Mais c'est surtout à titre expérimental", affirme Hadley Stern, responsable de son unité de recherche Fidelity Labs. "Autant apprendre en mettant les mains dans le cambouis qu'en lisant des documents", explique-t-il en soulignant que la société s'intéresse avant tout aux produits émergeant de la blockchain et des crypto-devises.
Autre possibilité d'investissement: les levées de fonds en monnaies virtuelles ou ICO ("Initial coin offerings"). Selon le site spécialisé Coindesk, ce type d'opérations avait, fin novembre, permis de lever au total 3,76 milliards de dollars. Mais il est difficile dans cette jungle de différencier les opérations frauduleuses des véritables pépites, relèvent plusieurs analystes.
"Malgré tout l'optimisme qui entoure les monnaies virtuelles, un doute tout aussi important plane au-dessus de la grande majorité des ICO", souligne Michael Graham, analyste de Canaccord. À une récente conférence sur le sujet à New York, "de multiples intervenants ont utilisé des termes comme fraude ou pyramide de Ponzi pour décrire 90% ou plus des ICO", relève-t-il dans une note.
Face à cet univers bouillonnant, mais risqué, les investisseurs doivent faire preuve du même discernement que pour leurs activités traditionnelles, estime Timothy Enneking. La différence, selon lui, est que "les choses se passent beaucoup plus rapidement, qu'il y a peu de régulation et que c'est un secteur naissant dont lequel la jeunesse se reflète dans ses infrastructures et ses participants".