Les enchères publiques au Maroc: un levier pour le progrès économique du pays

Le secteur des enchères publiques au Maroc fait face à plusieurs défis mais reste tout de même prometteur. DR

Dans un récent rapport du bureau d’études Jones Lang LaSalle, spécialisé en conseil en immobilier d’entreprise, le Maroc se trouve à la 58ème place sur 94 en termes de transparence immobilière. Cependant, une lueur d’espoir pour avancer dans ce classement viendrait du secteur des enchères publiques, selon le fondateur de la plateforme publique mazadi.

Le 08/12/2023 à 16h57

Ouvertes à tous, ces enchères, qui se tiennent régulièrement dans les salles des tribunaux de commerce ou de première instance, offrent une opportunité unique d’acquérir divers biens, cependant, contrairement aux ventes amiables, la visite préalable du bien n’est pas autorisée, et toute décision d’achat est irréversible. La procédure est supervisée par un agent d’exécution et contrôlée par le juge de l’exécution.

Dans une conférence de presse, Mohamed Lazim, expert judiciaire et fondateur de la plateforme mazadi.net (mes enchères en arabe), a listé cinq obstacles entravant l’évolution du marché des enchères au Maroc. Parmi eux, l’accès à l’information, la compréhension de celle-ci, la difficulté à élaborer un rapport complet, le besoin d’un accompagnateur expérimenté le jour J, et surtout, les barrières culturelles associées à l’idée que l’achat aux enchères est mal perçu.

L’expert judiciaire souligne l’importance sociale de s’intéresser au marché des enchères, décrivant l’achat comme un acte d’entraide sociale. «Acheter aux enchères équivaut à sauver une personne endettée», affirme-t-il. Il va jusqu’à suggérer que la stabilité du secteur bancaire marocain pourrait découler d’une revitalisation du marché des enchères: «Même le secteur bancaire marocain sera plus stable si on réussit ensemble à rendre le marché des enchères plus fort».

Les obstacles culturels et économiques ne sont pas les seuls en jeu. Mohamed Lazim évoque également un impact social concret, qui se résume à la résolution des conflits, la sortie de l’indivision, la lutte contre la pauvreté, et l’amélioration du statut social grâce à l’acquisition de biens immobiliers. «Le logement social c’est bien, ça préserve la dignité, mais s’acquérir un bien aux enchères à un prix séduisant c’est mieux, car c’est une solution plus durable», pense notre expert judiciaire.

Mohamed Lazim souligne également l’intérêt national de l’essor des enchères. Il pense que les Marocains résidant à l’étranger (MRE) pourraient être incités à investir dans leurs régions natales, stimulant ainsi l’entrée de devises.

Sur le plan financier, la valeur moyenne des actifs aux enchères judiciaires dans six régions marocaines (à savoir Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kenitra, Marrakech-Safi, Tanger-Tetouan-Al Hoceima, Fes-Meknes et Souss-Massa) atteint 44 millions de dirhams par jour, dont une part importante (33.8%) dans l’immobilier. Cependant, la plupart des citoyens ne sont pas conscients de ce potentiel inexploité.

Du point de vue juridique, Mohammed Kafil, avocat d’affaires au barreau de Casablanca, indique qu’en règle générale la vente aux enchères devrait être une finalité pour résoudre certains problèmes tels que la libération de l’hypothèque, mais qu’au Maroc on n’en est malheureusement toujours pas là à cause de la lenteur des procédures judiciaires dans ce type de cas où le gain ou perte de temps sont liés à l’argent.

Il rappelle également durant la conférence de presse qu’il existe bien sûr des garanties sur le plan juridique qui encouragent la vente aux enchères telles que prendre connaissance du bien qui nous intéresse et avoir accès au cahier de charges, «cependant l’expertise prendra toujours un pourcentage de 3% pour la trésorerie générale», ajoute-t-il.

Pour l’évolution du marché des enchères marocain, Mohammed Kafil recommande alors quelques modifications au niveau de la loi pour une meilleure efficacité judiciaire et un peu plus d’implication au niveau des banques -qui sont d’ailleurs les premières affectées-, comparées aux autres administrations publiques telles que la Douane et les Habous qui sont qualifiés de «machine des enchères de l’immobilier».

En abordant son portail dédié aux enchères publiques marocaines, le fondateur de Mazadi, Mohamed Lazim, insiste sur la gratuité de l’information et l’accompagnement car sa motivation est de faire vivre et avancer ce secteur dans l’intérêt national, témoin de la souffrance de ceux qui veulent vendre et ne trouvent pas d’acheteurs et ceux qui veulent acheter mais n’ont pas l’information à portée de main.

Grâce à de telles initiatives, le marché des enchères publiques au Maroc émerge comme un secteur prometteur, porteur de changements positifs pour l’économie marocaine. L’élimination des obstacles culturels et la mise en œuvre de réformes législatives pourraient libérer un potentiel considérable pour le pays.

Par Ryme Bousfiha
Le 08/12/2023 à 16h57