Contrairement à l’aérien, le Maroc qui avait une vraie flotte de fret jusqu’à la fin des années 1990, dépend depuis, quasiment des armateurs mondiaux pour son transport maritime. Le Roi Mohammed VI a appelé à la constitution d’une flotte nationale de marine marchande, forte et compétitive. Mais dans quelle mesure un conglomérat de compagnies maritimes nationales pourrait-il réduire la dépendance du Maroc aux compagnies étrangères?
Dans un entretien accordé au magazine Challenge, Najib Cherfaoui, expert en système portuaire et maritime au Maroc, estime qu’on pourra se fixer immédiatement une couverture de 25% du tonnage import/export, que l’on portera ensuite à 50% à l’horizon 2040. «Malgré l’énorme pression des géants du conteneur, notre pays a la chance de pouvoir récupérer la place commerciale qui lui revient dans les flux conteneurisés entre ports marocains. Ainsi, en corrigeant l’erreur de l’Open Sea décrété en 2006, le Maroc a toute la latitude de réserver l’exclusivité du cabotage conteneurisé aux capitaux nationaux», précise-t-il. En effet, dans la plupart des régions du monde, la loi interdit l’utilisation de navires étrangers pour effectuer du cabotage, c’est-à-dire le transport entre deux ports nationaux.
Cela dit, le potentiel du commerce maritime du Maroc repose sur le socle du trafic des vracs solides et liquides: engrais, phosphates, charbon, hydrocarbures, acide phosphorique, soufre et ammoniac. Comptez un global de 70 millions de tonnes. «L’élément clé est que les chargeurs marocains connaissent parfaitement à la fois la taille de chaque segment de ces marchés et le calibrage optimum des navires correspondants (en général des handy size). Étant donné que nos chargeurs maîtrisent cet élément clé, le Maroc a aujourd’hui tous les atouts pour lancer plusieurs compagnies maritimes nationales de fret à la fois fortes et compétitives», explique l’expert.
À la question sur l’économie à réaliser en termes de devises que le Royaume gagnerait-il à lancer sa propre compagnie nationale maritime de fret, l’expert précise que pour la seule année 2023, celle-ci aurait été d’au moins 1,5 milliard de dollars. «Maintenant, je vous livre le coût demandé: il faut compter 1 milliard de dollars pour une flotte de vingt vraquiers incluant pour la composante vracs solides des unités d’une capacité de 35 000 tonnes, acheminement combiné des céréales et des minerais, phosphates ou charbon», ajoute-t-il.