Les transferts de fonds effectués par les Marocains résidant à l’étranger (MRE) et les recettes touristiques assurent et rassurent: ils continuent d’afficher un bon niveau de croissance.
Ainsi, les recettes des MRE ont plus que doublé en dix ans, passant de 57,4 milliards de DH (MMDH) en 2014 à 115,26 en 2023, selon les données de l’Office des changes. En 2024, ils se sont maintenus, s’élevant à 108,67 MMDH au cours des onze premiers mois, en accroissement de 2,8% par rapport à la même période de l’année précédente.
Ce trend devrait se poursuivre. Selon les projections de Bank Al-Maghrib (BAM) présentées le 17 décembre dernier, ils s’accroitraient de 4,3% à fin 2024 puis progresseraient à un rythme annuel entre 3% et 3,5% pour avoisiner 128 MMDH en 2026.
Évolution annuelle des transferts des MRE en milliards de dirhams (source: Office des changes)
Idem pour les recettes de voyages qui se sont accrues de 68,82% sur la même période, passant de 62 MMDH en 2014 à 104,67 MMDH en 2023, selon l’Office des changes. Sachant qu’elles ont connu un passage à vide durant la période de la pandémie de Covid-19 (36,44 MMDH en 2020 et 34,57 MMDH en 2021), avant de reprendre leur élan, ce qui leur a permis de réaliser une expansion de 32,9% entre 2019 et 2023.
En 2024, les recettes touristiques ont affiché une croissance de 7,2% à fin novembre, s’élevant à 104,47 MMDH. Cette ascension a permis au Maroc de passer de la 41ème à la 31ème position mondiale dans le classement des recettes touristiques établi par l’Organisation mondiale du tourisme (ONU Tourisme) entre 2019 et 2023, réalisant ainsi l’une des plus belles progressions parmi les 50 premières destinations touristiques mondiales.
Ces deux types de flux financiers ont ainsi totalisé 220 MMDH en 2023 (représentant 15,38% du PIB), permettant ainsi de couvrir 76,7% du déficit commercial enregistré cette année-là, contre 66,2% en 2022. À fin novembre 2024, ils ont atteint 213,14 MMDH, finançant plus de 77,29% du déficit commercial observé à cette date.
Évolution annuelle des recettes touristiques en milliards de dirhams (source: Office des changes)
La poursuite des «performances notables» des recettes de voyages et des transferts de MRE a également grandement contribué à la nette atténuation du déficit du compte courant (qui retrace la somme des échanges internationaux de biens et de services), qui est revenu de 3,6% en 2022 à 0,6% du PIB en 2023, soit son plus bas niveau depuis 2008, selon Bank Al-Maghrib (BAM).
Ce déficit du compte courant resterait contenu, devant s’établir à l’équivalent de 1% du PIB en 2024 et en deçà de 2% du PIB au cours des deux prochaines années, ajoute la Banque centrale.
L’effet positif de la croissance soutenue des recettes de voyages et des transferts de MRE contribuent au renforcement des réserves du pays en devises. Au terme de l’année 2023, les avoirs officiels de réserve de BAM se sont établis à 359,4 MMDH, un montant équivalent à près de 5 mois et demi d’importations de biens et services.
Évolution annuelle du compte courant (en % du PIB). (Source : Bank Al-Maghrib).
2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | |
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Compte courant | -4,9 | -3,4 | -1,2 | -2,3 | -3,6 | -0,6 |
Exportations (FAB, variation en %) | 10,7 | 3,3 | -7,5 | 52,2 | 30,1 | 0,4 |
Importations (CAF, variation en %) | 9,9 | 2 | -13,9 | 25 | 39,5 | -2,9 |
Déficit commercial (FAB-CAF) | 17,2 | 16,7 | 13,9 | 15,6 | 23,2 | 19,5 |
Recettes de voyages (variation en %) | 1,2 | 7,8 | -53,7 | -5,1 | 171,5 | 11,5 |
Recettes MRE (variation en %) | -1,5 | 0,1 | 4,8 | 40,1 | 16 | 4,1 |
Ces avoirs devraient progressivement se renforcer pour s’établir à 400,2 MMDH à fin 2026, représentant près de 5 mois et 8 jours d’importations de biens et services, selon les projections de la Banque centrale.
Quels facteurs expliquent les performances remarquables de ces flux? Interrogé par Le360, Ahmed Azirar, économiste, directeur de recherche à l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS), avance plusieurs explications.
Les MRE sont d’abord très attachés à leur pays et prêts à soutenir leur famille, surtout dans des contextes difficiles. Selon lui, les MRE sont majoritairement issus de zones rurales, et de ce fait, attachés à leurs terroirs d’origine et à leurs familles.
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L’économiste évoque d’autres explications possibles, comme le sentiment de gêne qu’éprouvent certains MRE dans les pays d’accueil face aux annonces et aux décisions prises pour limiter les transferts.
La diversification des sources de revenus des MRE, qui ne sont plus uniquement salariés, permet aussi d’expliquer cette tendance. Nombre d’entre eux exercent des professions libérales, sont commerçants ou hommes d’affaires et réalisent ainsi des revenus suffisants pour en transférer une partie.
Autre facteur qui expliquerait cette constance, poursuit Ahmed Azirar, le sentiment que le Maroc s’intéresse à eux. Le Roi a d’ailleurs consacré une grande partie de son discours aux MRE à l’occasion du 49ème anniversaire de la Marche verte.
À peine 10% des transferts des MRE vont à l’investissement
Le Souverain a notamment demandé plus d’efforts pour mieux les accueillir, les informer, faciliter les procédures d’investissement, dans un contexte favorable (charte d’investissement, réforme des centres régionaux d’investissement), relève notre interlocuteur. «Le Roi a tracé une feuille de route qu’il faut appliquer rapidement et correctement», insiste-t-il.
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L’économiste a, par ailleurs, appelé les organismes d’accueil et les banques à diversifier leur offre et à améliorer leurs méthodes. Les régions, notamment celles dont sont issus les MRE, comme le Rif, l’Oriental, le Sud-Est, doivent se mobiliser pour dynamiser l’investissement des MRE. Sachant que, comme le rappelle-t-il, à peine 10% des transferts des MRE sont destinés à l’investissement.
Enfin, les obstacles aux transferts et les menaces sur leur fiscalisation excessive ou leur interdiction doivent continuer à être traités entre Etats. «Les MRE travaillent durs et doivent disposer librement de leur épargne, souvent accumulée au détriment de leur qualité de vie», souligne-il.
Les recettes touristiques boostées par le «Revenge Travel» et l’inflation
En ce qui concerne la croissance soutenue des recettes touristiques, elle est attribuée essentiellement à deux facteurs, explique Zoubir Bouhoute, consultant en tourisme. Le premier est le phénomène du «Revenge Travel» (voyage de vengeance), observé depuis le Covid-19.
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Le deuxième facteur est la montée de l’inflation qui amène les touristes à payer plus chers les services fournis, note l’expert, qui ajoute que les hôteliers, qui ont été obligés de fermer leurs établissements durant 2 ou 3 ans, ont procédé à une petite augmentation des prix après la réouverture.
La situation s’est stabilisée avec l’avènement d’une phase de maturité, comme le montre la hausse plus modérée des recettes voyages par rapport aux flux de touristes, précise Zoubir Bouhoute.
Ainsi, le nombre de touristes accueillis par le Maroc à fin novembre 2024 a connu une hausse de 20% par rapport à la même période en 2023, pour atteindre 15,9 millions de personnes, tandis que les recettes voyages ont affiché un rythme de croissance moindre, 7,2% sur la même période (104,47 MMDH).