L’hydrogène vert au Maroc expliqué par Loïc Jaegert-Huber, directeur régional d’Engie Afrique du Nord

Loïc Jaegert-Huber, directeur régional d'Engie Afrique du Nord.

Loïc Jaegert-Huber est Directeur Régional d’Engie Afrique du Nord. A l’occasion du World Power-to-X Summit du 19 et 21 septembre à Marrakech et Guelmim, il décrypte pour Le360 le potentiel, les défis et les perspectives de la filière de l’hydrogène renouvelable au Maroc.

Le 18/09/2023 à 09h09

Loïc Jaegert-Huber est Directeur régional d’Engie Afrique du Nord et membre de l’équipe de direction d’Engie AMEA (Asie-Pacifique, Moyen-Orient et Afrique). Il a plus de 15 ans d’expérience en tant que conseiller, chef de projet et manager dans les secteurs des services publics et de l’énergie en Europe, en Asie et en Afrique. Depuis 2009, il a travaillé dans différentes entités d’Engie telles que Engie Asia-Pacific, Engie LNG Supply et GRDF, et a été directeur de cabinet, directeur de la communication et du marketing de Storengy.

Loïc Jaegert-Huber a également été professeur et directeur de l’Executive Education et des relations institutionnelles à l’ESSEC Business School Africa. Loïc Jaegert-Huber est Directeur Régional d’Engie Afrique du Nord depuis septembre 2022. Diplômé de Sciences Po Paris en sciences politiques et en management, il a été assistant de recherche à l’université de Princeton.

Nous entendons de plus en plus parler d’hydrogène vert et du Power-to-X: pourquoi ces sujets cristallisent autant l’attention aujourd’hui?

Avant toute chose, je voudrais avoir une pensée pour les victimes du terrible tremblement de terre qui a frappé le Maroc la semaine dernière. Toutes les équipes d’Engie se mobilisent pour contribuer à l’effort national en soutenant les efforts des équipes de secouristes, et en apportant les premières aides d’urgence aux populations les plus touchées.

L’hydrogène renouvelable et le Power-to-X sont effectivement devenus des sujets de prime importance, et pour cause: ils pourraient être à l’origine d’une petite révolution énergétique!

Les conséquences du changement climatique sont alarmantes. Face à cette urgence climatique, il est devenu absolument essentiel de décarboner notre économie en accélérant la transition énergétique, au travers du développement massif des énergies renouvelables.

Pour être clair, le Power-to-X désigne la conversion de l’électricité en un autre vecteur énergétique, notamment en hydrogène. À l’heure actuelle, 99% de l’hydrogène industriel mondial est «gris», c’est-à-dire produit à partir du gaz naturel. L’enjeu principal est dorénavant de produire de l’hydrogène renouvelable par électrolyse de l’eau à partir d’énergie renouvelable, notamment grâce au savoir-faire d’acteurs comme Engie.

L’hydrogène renouvelable pourrait ainsi jouer un rôle capital pour atteindre la neutralité carbone, à la fois en remplaçant progressivement les énergies fossiles et en palliant l’intermittence des énergies renouvelables.

La demande mondiale en hydrogène est en constante augmentation, et un nouveau marché mondial est en train d’émerger. Selon un récent rapport de Deloitte, celui-ci pourrait représenter 600 millions de tonnes équivalent, et 1400 milliards de dollars par an à l’horizon 2050. Les opportunités de développement sont donc très prometteuses!

Quel est le potentiel du Maroc dans cette nouvelle filière très dynamique, et quelles sont ses futures opportunités?

Le Maroc a un énorme potentiel en matière d’hydrogène renouvelable, particulièrement grâce à ses avantages compétitifs considérables en énergies renouvelables et à ses importantes réserves foncières.

D’ici 2050, il pourrait produire 9 millions de tonnes d’hydrogène vert par an et représenter jusqu’à 4% du marché mondial de l’hydrogène. Le Maroc a su saisir très tôt ces opportunités: Sa Majesté le Roi a validé dès janvier 2021 la création d’une «Offre Maroc», une feuille de route opérationnelle ambitieuse pour développer la filière hydrogène renouvelable.

Selon le même rapport de Deloitte, l’Afrique du Nord est la région du monde au plus fort potentiel en hydrogène renouvelable: elle pourrait représenter 40% des parts de marché à l’export. Le Maroc pourrait également profiter de sa situation stratégique pour se positionner comme un hub énergétique incontournable entre l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe. Le pays a donc tout pour devenir un leader régional et mondial de l’hydrogène renouvelable.

C’est dans ce contexte passionnant que sont organisés deux évènements internationaux réunissant l’ensemble des acteurs de la filière: Engie a participé la semaine dernière au Hydrogen Egypt Summit, et sera également présent au World Power-to-X Summit,

Et vous dans tout cela? Comment ENGIE se positionne dans ce marché émergent de l’hydrogène vert?

Engie, qui est déjà un acteur mondial incontournable de la transition énergétique, s’est positionné très tôt comme un leader dans le domaine de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, ainsi que des e-molécules dérivées. Nous développons actuellement près de 100 projets hydrogène renouvelable dans plus de 15 pays, dont 30 sont dédiés à la production.

Engie est présent dans l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène, de la production et du stockage à la distribution et au transport. Notre approche globale permet non seulement aux clients des secteurs de l’industrie et de la mobilité d’atteindre leurs objectifs de neutralité carbone, mais aussi de fournir un ensemble de solutions modulables et reproductibles. En parallèle et en toute complémentarité, nous étudions le potentiel marocain en hydrogène blanc, l’hydrogène naturel présent dans le sous-sol.

Cette stratégie est une autre face de l’engagement d’Engie auprès du Maroc, notamment pour lui permettre d’atteindre l’objectif de 52% d’énergie renouvelable dans son mix énergétique d’ici 2030.

Quelles sont les opportunités d’exportations de l’hydrogène vert marocain? Ce potentiel très prometteur pourrait-il redéfinir les relations avec nos voisins, particulièrement avec l’Europe?

Tout à fait, l’énorme potentiel marocain en hydrogène renouvelable entraîne des opportunités considérables d’exportation, ce qui rebat les cartes du marché international de l’énergie et ouvre la porte à de nouveaux partenariats économiques.

La crise énergétique causée par la guerre en Ukraine a bouleversé les marchés, et la sécurisation des approvisionnements énergétique est devenue une préoccupation essentielle, particulièrement pour les Européens. Ces derniers se tournent ainsi vers de nouveaux marchés, et regardent naturellement du côté du Maroc du fait de sa position géographique stratégique idéale, de son énorme potentiel en énergie renouvelable et de ses infrastructures portuaires existantes.

L’Offre Maroc prévoit de consacrer les deux tiers de la future production d’hydrogène du Maroc à l’exportation vers l’Europe. Néanmoins, le temps presse et la concurrence est de plus en plus rude pour devenir le fournisseur majeur d’hydrogène vert des Européens.

Je tiens également à souligner un point capital: l’hydrogène renouvelable produit au Maroc devra avant tout bénéficier au pays. Engie travaille actuellement au développement d’un système multi-usages et multi-secteurs, qui permettra de satisfaire une demande domestique estimée à 4 TWh à l’horizon 2030. L’exportation de l’hydrogène vert marocain ne devra donc jamais se faire au détriment des besoins locaux.

Quels sont les défis que le Maroc devra relever pour développer sa filière hydrogène vert, et plus largement réussir sa transition énergétique?

Atteindre la neutralité carbone, notamment grâce à l’hydrogène renouvelable, nécessite en effet des efforts sans précédent. Le Maroc y a néanmoins tout intérêt, puisque la décarbonation représente une opportunité de croissance économique majeure, tout comme un levier d’attractivité et de compétitivité.

Parmi les nombreux défis encore à surmonter dans le domaine de l’hydrogène renouvelable, le Maroc doit avant tout développer une filière industrielle adaptée à la production, au transport et au stockage. Le développement de l’ensemble de la chaîne de valeur nécessite la sécurisation de financements compétitifs et de grande ampleur: le soutien public sera ainsi essentiel, au moins dans un premier temps. Plus largement, il reste prioritaire d’actualiser le cadre réglementaire, d’améliorer le réseau électrique, et de développer la production privée d’énergie renouvelable. Nous y travaillons avec les autorités et les autres acteurs du secteur.

Le marché marocain reste très prometteur et regorge d’opportunités. Nous sommes très confiants dans l’avenir, et conservons des objectifs ambitieux pour relever le défi de la neutralité carbone. Engie est donc plus que jamais engagé auprès du Maroc, pour lui permettre de devenir un leader mondial de la transition énergétique.

Par Majda Benthami
Le 18/09/2023 à 09h09