Une bonne partie des opérateurs économiques, constituée des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), n’est pas encore prête pour le passage au taux de change flottant. Ce constat est affirmé par Bank Al-Maghrib (BAM) et confirmé par les opérateurs et les experts.
À l’occasion de la tenue de la réunion du Conseil de BAM, le mardi 17 décembre, le wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, a indiqué qu’il reste un prérequis important pour passer à la deuxième phase de la libéralisation du régime de change.
Il s’agit de la préparation des opérateurs, notamment les TPME, à cette nouvelle étape, qui repose essentiellement sur un travail d’information et de sensibilisation dans les différentes régions du pays, mené par BAM en collaboration notamment avec l’Office des changes.
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Interrogé par Le360, Abdellah El Fergui, président de la Confédération des TPE-PME, a confirmé que les TPME sont loin d’être prêtes pour ce virage, et déplore que les meneurs de ce travail de préparation n’y aient pas associé la confédération, qui a pourtant, selon lui, une présence active dans les régions.
Cette approche est nécessaire, souligne Omar Bakkou, économiste et spécialiste de la politique de change, interrogé également par Le360. «Le passage à la deuxième phase de la libéralisation du dirham se traduira par plus de volatilité sur le marché de change qui ne manquera pas d’impacter l’activité des opérateurs», explique-t-il. «Ceux-ci doivent être outillés pour bien gérer les risques de change, et les banques doivent être en mesure de leur offrir des instruments de couverture contre ces risques», poursuit-il.
Gérer le risque de change
Cela nécessiterait une mise à niveau des procédures et des dispositifs de gestion du risque de change adoptés actuellement par les entreprises et éventuellement une évolution de la réglementation des changes relative aux opérations de couverture, indique notre interlocuteur.
Le passage au taux de change flottant peut également impacter le financement de l’activité des entreprises, avait relevé Abdellatif Jouahri en juin dernier, ce passage pouvant donner lieu à un changement récurrent du taux directeur de la Banque centrale et, par conséquent, des taux débiteurs.
Par ailleurs, cet aspect lié à la préparation des entreprises serait le dernier prérequis à assurer pour passer à la phase suivante dans la libéralisation du dirham, sachant qu’une étape intermédiaire est envisagée avant de passer à un flottement généralisé du dirham, selon Abdellatif Jouahri. Cette étape consiste à se dégager du panier qui constituait l’ancrage, tout en continuant à surveiller le mouvement sur le marché interbancaire de devises.
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Ainsi, note le patron de la Banque centrale, la majeure partie des prérequis «semblent être là». Il s’agit notamment, développe-t-il, de l’engagement du gouvernement à maintenir les équilibres macro-économiques, de la programmation triennale budgétaire, d’une nouvelle loi organique des finances qui sera élaborée et qui devra mieux clarifier les règles relatives aux aspects de soutenabilité budgétaire. Il s’agit aussi, ajoute-t-il, des réserves de change qui sont actuellement à un niveau satisfaisant (couvrant plus de 5 mois d’importations), qu’il faudra maintenir.
Parmi ces facteurs favorables, figurent aussi, poursuit-il, l’approfondissement et le développement du marché interbancaire des changes et la mise en place du marché à terme, qui sont en cours, ainsi que la collecte des données qui ont trait au chantier de la libéralisation du régime de change.
«Lentement mais sûrement»
Concernant ce dernier point, Abdellatif Jouahri a fait savoir que BAM a saisi plusieurs administrations (Haut-Commissariat au plan, Administration des douanes, Office des changes…) et ministères (Agriculture, Commerce et Industrie, Finances…), auxquels il a demandé des données «complémentaires, plus granulaires, plus fiables et plus périodiques».
Autant dire que les meneurs de cette réforme, dont le chef de file est BAM, prennent le soin de préparer le terrain, «lentement mais sûrement», pour citer justement le wali de la Banque centrale, moyennant un travail minutieux qui ne laisse rien au hasard.
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Abdellatif Jouahri ne rate d’ailleurs aucune occasion pour rappeler cette façon de faire au Fonds monétaire international (FMI), qui apporte son assistance au Maroc dans cette réforme. «Nous avons dit au FMI que ce sont des choses qui se font à moyen, sinon à long terme», a-t-il indiqué, lors de la dernière réunion trimestrielle du Conseil de BAM.
Il a expliqué que la flexibilisation du régime de change est une réforme qui demande du temps. En fait, comme le montre le benchmarking, même pour les pays qui y étaient obligés, ce processus exige un délai minimal de 9 ans, fait-il savoir.
Sachant que le Maroc a opté volontairement pour cette réforme. Il l’a entamée depuis 2018 en élargissant la bande de fluctuation à 2,5% puis à 5% en 2020, tout en continuant de l’arrimer à un panier de devises composé à 60% d’euros et à 40% de dollars. Cette libéralisation progressive du dirham a été interrompue pendant la crise de la Covid-19, avant d’être reprise par la suite.