Méditel: l’héritage périlleux que laisse Michel Paulin à son successeur

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C’est un lourd héritage que laisse le PDG de Méditel à son successeur appelé à rentabiliser une entreprise qui a du mal à générer de la valeur pour ses actionnaires et à gérer une importante dette de plus de 7 milliards de dirhams.

Le 21/01/2016 à 18h04

Selon des sources concordantes, Michel Paulin devrait quitter ses fonctions à la tête de Méditel demain vendredi 22 janvier. Il aura passé en tout presque deux ans et dix mois à la tête de la filiale marocaine du groupe Orange. Il la quitte pour diriger SFR, le concurrent de la maison-mère de Méditel et deuxième opérateur de téléphonie mobile en France.

En tout cas, ce départ est diversement interprété. En un peu moins de 3 ans, Paulin a su piloter la mise en place de la 4G, entamer le virage de la digitalisation et contribuer fortement à développer son portefeuille clientèle.

Ainsi, pour certains, le départ de ce connaisseur du secteur des télécoms et particulièrement du mobile est synonyme de grosse perte sachant qu’il avait commencé à implémenter sa stratégie.

Seulement, son mode managerial et les buts assignés à ses manœuvres sont très critiqués par d’autres. Ainsi, la stratégie de conquête de nouveaux clients a été surtout bâtie sur une politique des prix très agressive qui a été dommageable pour l’entreprise et le secteur.

Autre grief, le pilotage de la montée d’Orange dans le capital de Méditel avait suscité des suspicions chez les actionnaires marocains FinanceCom et CDG. Ces derniers ayant jugé la valorisation proposée pour l’acquisition de 9% supplémentaire du capital de Méditel et 11% des droits de vote comme «une arnaque» résultant de la politique agressive que menait l’entreprise et qui lui a été préjudiciable. Cette situation avait entrainé un retard de plus de 6 mois de l’exécution de la montée d’Orange dans le capital de Méditel qui s’est réalisée en juillet 2015.

Si tout est rentré, en apparence, dans l’ordre et Orange contrôle 49% du capital de l’opérateur, la méfiance s’est installée entre les actionnaires.

Des déficits financiers

Par ailleurs, les résultats financiers sont loin d’être reluisants. L’opérateur a réalisé des exercices déficitaires de l’ordre de -200 MDH en 2013 et -54 MDH en 2014. Si les provisions pour faire face à un contrôle fiscal et l’impact d’une partie des amortissements des 4 milliards de dirhams empruntés durant cette période y sont pour quelque chose, la politique de «gain de parts de marché» à tout prix est aussi pointée du doigt.

Les bonnes performances du premier semestre 2015 avec un résultat d’exploitation en hausse de 53% et un résultat net de 166 MDH ne rassurent pas sur la santé de l’entreprise.

Challenges

Face à cette situation, le successeur de Michel Paulin a du pain sur la planche. D’abord, il doit assurer un retour à une rentabilité durable de l’entreprise. Les actionnaires souhaitent que leur investissement génère de la valeur. Ce qui est loin d’être le cas jusqu’à présent et ce ne sera pas facile dans un marché mature où les prix poursuivent leur tendance baissière alors que les investissements ne cessent de croître.

Ensuite, et c’est son plus gros challenge, il doit gérer une dette colossale qui ressortait à 4,5 milliards de dirhams à fin juin 2015 avant le nouvel emprunt de 3,2 milliards obtenu en décembre dernier. C’est dire qu’en tenant compte des remboursements, l’opérateur devrait clôturer l’année en cours avec une dette autour de 7 milliards de dirhams. Cela sans compter une dette fournisseur qui oscille autour de 2 milliards de dirhams.

Comment y faire face dans un environnement sectoriel difficile sans altérer la rentabilité actuelle et future de Méditel et plomber les investissements qui sont indispensables pour rester attractif envers les clients ?

Une chose est sûre, à l’instar de la maison-mère en France qui a compris l’impact négatif de la guerre des tarifs et la nécessité de faire reposer la concurrence sur les infrastructures et les services innovants, le prochain manager de Méditel évitera probablement l’écueil de la guerre des prix.

L’accent devrait être mis sur les infrastructures pour accompagner la 4G, la qualité du réseau, la digitalisation, le service, etc. A moins justement que la mission de Michel Paulin n’ait consisté à «casser le secteur des télécoms pour que Orange fasse la récolte après», comme nous le confie un connaisseur du domaine. C’est cette mission, «bien accomplie» selon certains, qui vaut à l’intéressé une promotion.

Par Moussa Diop
Le 21/01/2016 à 18h04