La crise au sein de l’aéroport Mohammed V a atteint des proportions alarmantes. Lassé du désordre qui y régne, cela fait plusieurs mois, le ministère de l’Intérieur a pris le dossier en main en le confiant au wali Khalid Zerouali, un choix logique puisqu’il occupe la fonction de directeur de l’immigration et de la surveillance des frontières. Zerouali sera accompagné et appuyé dans sa mission par un gouverneur de l’administration centrale, en l’occurrence Mohamed Zhar, ancien gouverneur des provinces d’Errachidia et d’Al Hoceima.
Installé depuis peu à l’Hôtel Atlas, à quelques encablures de l’aéroport, le gouverneur Zhar enchaîne les réunions, parfois jusqu’à des heures avancées, en parcourant les circuits maudits de la zone frontalière de Nouacer. Investis d’une mission ponctuelle, les deux représentants de l’Intérieur ont la lourde tâche de résoudre le problème des bagagistes, de rétablir la coordination entre les différents intervenants et d’assainir l’environnement à l’intérieur et à l’extérieur de l’aéroport.
De nombreux dysfonctionnements entachent l’organisation et la qualité des services offerts aux voyageurs. La grève des bagagistes a visiblement été la goutte qui a fait déborder le verre.
Le problème relève de la responsabilité de RAM Handling à qui l’ONDA a confié la charge des services au sol, depuis l’enregistrement jusqu’à la livraison des bagages. La filiale de Royal Air Maroc gère l’activité handling pour près de 70% des vols transitant par l’aéroport de Casablanca. Le reste du trafic est pris en charge par la multinationale Swissport et Ground Force, une filiale du groupe espagnol Globalia Handling.
S’agissant précisément de l’activité «traitement des bagages», RAM Handling fait appel à un sous-traitant, du nom de General Private Interim (GPI). Ce dernier est confronté à une contestation inédite. Plus de 750 employés bagagistes observent une grève depuis avril 2019, sans aucun préavis ni notification, provoquant une perturbation spectaculaire du trafic, y compris en pleine période estivale.
Début juillet, suite à l’intervention du gouverneur de la province de Nouaceur, Abdallah Chater (l’ex-directeur du CRI Casablanca-Settat), un compromis a pu être scellé à travers une augmentation de salaires de 15%, outre une série d’avantages (une prime spéciale Aïd Al Adha, billets d’avion gratuits pour aller à la Omra, etc.).
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Cet accord devait en principe mettre fin à un conflit qui n’a que trop duré. Mais en réalité, la situation s’est aggravée.
Encadrés par l’Union marocaine de travail (UMT), les bagagistes jettent la responsabilité sur GPI qui, à leurs yeux, ne serait pas en mesure de gérer le trafic d’un aéroport de la taille de celui de Casablanca. La barre des revendications a été placée plus haut jusqu’à demander carrément la résiliation du contrat de GPI qui n'expire qu'en mai 2020.
L’intervention du gouverneur Mohamed Zhar permettra-t-elle d’apaiser les tensions? Rien n’est moins sûr. Lors d’une réunion marathon qui s’est tenue, mercredi soir, qui aurait duré jusqu’à l’aube, le gouverneur a dû se rendre compte de l'imbroglio. Les bagagistes campent toujours sur leurs positions: ils réclament l’auto-planification du travail et se seraient même opposées à la mise en place du système de pointage pour mesurer le temps de travail et surtout combattre le phénomène des absences qui s’est amplifié depuis le début de la grève.
Le lendemain, jeudi, la tension est montée d’un cran. De nouveaux blocages ont entaché le traitement des bagages, à quelques encablures du bureau du gouverneur. Un coup dur pour les passagers qui devaient compter jusqu’à cinq heures d'attente avant de récupérer leurs valises.
On ne peut, toutefois, pas limiter les multiples dysfonctionnements de l’aéroport Mohammed V aux bagagistes. Plusieurs facteurs chaotiques relevant strictement de la gestion de l’ONDA, comme la valse absurde entre un départ au terminal 1 et un retour au terminal 2 alors que le billet indique un aller-retour sur le même terminal, comme la très mauvaise qualité de service au sein de l’aéroport en termes de soutien aux passagers, de point d’information (inexistant !), d’avions qui embraquent et débarquent les passagers sur le tarmac alors que les passerelles sont disponibles… La liste des dysfonctionnements à charge contre la gestion de l’ONDA est très longue et concourt sérieusement au désordre qui règne sur le plus grand aéroport du Royaume.
De l’avis général, la présence d’un gouverneur au sein de l’aéroport Mohammed V (le wali Zerouali y vient de temps en temps) est salutaire. Elle devrait mettre de l’ordre et délimiter les responsabilités dans ce chaos.
Reste à savoir si la mission du wali et du gouverneur débouchera sur des solutions perennes entérinées par le gouvernement, ou bien se contentera-t-on d’apporter des paliatifs à un problème structurel?