Après un démarrage timide, pour ne pas dire décevant, l’activité du paiement mobile semble enfin montrer des signes de croissance très encourageants.
Selon des statistiques recueillies par Le360 auprès de Bank Al-Maghrib (BAM), à la fin du mois de juin 2020, il y a eu 922.575 mobiles wallets interopérables émis et déclarés à la table de correspondance tenue par le gestionnaire du switch, contre 539.984 de ces mêmes portefeuilles virtuels mobiles, connus par le grand public sous le terme de m-wallets, trois mois plus tôt, à la fin du mois mars 2020.
L'évolution, remarquable, est donc de +71%. Et à titre de comparaison avec l’année 2019, le nombre de m-wallets opérationnels a plus que doublé.
Une tendance de fond«Il s’agit d’une tendance de fond dont la crise de la Covid-19 a servi de révélateur», affirme, sollicité par Le360, une source autorisée du management d’inwi money, la solution de paiement mobile de l'opérateur de télécoms, l’un des principaux acteurs de ce marché en devenir.
Selon cet opérateur, au moins trois facteurs ont favorisé la percée des m-wallets au cours de cette période. Il s’agit tout d’abord des processus allégés autorisés par la Banque centrale pour recruter les clients à distance. «Ces mesures ne peuvent qu’être saluées, elles ont pu démontrer pleinement leur pertinence», se félicite notre interlocuteur.
Il s’agit ensuite de l’accompagnement des établissements de paiement, qui ont notamment rendu gratuits les services de transfert d’argent pour soutenir le pouvoir d’achat des clients en cette période à la fois complexe et difficile.
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La remarquable progression des m-wallets en circulation s’explique enfin par une hausse de l'usage des modes de paiement à distance, notamment celui des factures, qui correspondait aussi à la volonté de maîtrise par les clients de leurs déplacements, pour éviter d'éventuels risques de contamination par le coronavirus, explique cette source.
Transformer l’essaiSi la crise sanitaire a agi comme un stimulant du paiement mobile, il reste désormais à transformer l’essai et à ancrer durablement l’usage de ce mode de paiement dans les habitudes des consommateurs.
Sur ce point précisément, inwi money se montre plutôt confiant: «les clients ayant utilisé pour la première fois leur m-wallets, notamment pour les transferts à distance ou les paiements de factures, auront pour une bonne part d’entre eux une récurrence et permettront la croissance pérenne des usages».
Toutefois, nuance cet interlocuteur, il est de la responsabilité des acteurs de promouvoir les conditions de leur pérennisation. Cet effort de promotion est d’autant plus nécessaire, qu’avec la fin du confinement, peuvent réapparaître d'anciennes habitudes très ancrées. Il faut donc, insiste-t-il, transformer l’essai pour ne pas retomber dans les travers qui ont limité la capacité d'éclosion des nouveaux moyens digitaux.
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Pour inwi money, en effet, «la massification de la disponibilité des m-wallets sur le marché marocain ne peut que servir durablement ces services. Cette crise doit néanmoins nous permettre de tirer un certain nombre d’enseignements: il y a lieu de poursuivre et d’engager l’ensemble des mesures pertinentes permettant la poursuite de cette évolution».
Notre source rappelle dans ce sens que «le principe de réussite du mobile money est à la fois l’accroissement de la base client et celle du réseau d’agents: cette membrane de digitalisation du cash, lorsqu’elle est suffisamment capillaire, est le facteur clé de réussite et d’éclosion de l’écosystème. Il faut que le cash puisse entrer et sortir facilement. Il y a donc lieu de maintenir les dispositions favorables à leur mobilisation».
Coup de pouce fiscalDe ce point de vue, le gouvernement a su répondre présent, en instaurant une série de mesures, notamment fiscales, à même de favoriser davantage ce mode de paiement et, surtout, assurer l’adhésion d’un maximum de commerçants pour que cette solution se déploie à grande échelle.
La loi de finances 2020 a ainsi instauré pour les commerçants un abattement de 25% de la base imposable relative au chiffre d’affaires réalisé via un paiement mobile.
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La loi de finances rectificative 2020, récemment votée, est allée encore plus loin en permettant aux commerçants de ne pas prendre en considération le montant du chiffre d’affaires réalisé́ par paiement mobile pendant cinq années consécutives, dans le calcul de la base imposable. Les autorités espèrent que ces incitations pourront donner un nouvel élan à cette solution de paiement.
Il faut dire que les enjeux pour le gouvernement sont de taille. Il est question de venir à bout de la circulation du cash et de sa gestion très coûteuse. Selon Bank Al-Maghrib, 400 milliards de dirhams de flux potentiels de cash pourraient être captés par le paiement mobile.
Le déploiement à grande échelle du paiement mobile permettrait aussi de stimuler l’inclusion financière et la bancarisation, notamment dans les régions les plus enclavées du Royaume. C’est là un autre objectif stratégique majeur des autorités monétaires du pays.
Bank Al-Maghrib table, d’ici 2024, sur un marché de 6 millions d’utilisateurs pour 1,3 milliard de transactions. Nous en sommes certes encore loin, mais les ingrédients sont désormais réunis pour parvenir à cet objectif.