«Cette raffinerie ne s’est pas effondrée subitement comme un château de cartes. Elle s’est défaite lentement, à travers les années. D’une certaine façon, presque sous nos yeux. Sa déconfiture relève de causes profondes et d’une jonction entre plusieurs facteurs», dixit Hassan Agzénai, président et fondateur de Winxo, un des distributeurs leaders du marché.
Agzénai semble dépité par tous ceux qui ne sont sortis de leur silence qu’une fois la raffinerie à l’arrêt. Ils sont allés jusqu'à qualifier celle-ci de «composante fondamentale dans la sécurité d’approvisionnement en hydrocarbures pour le pays, voire de sa sécurité nationale».
Pourtant, poursuit le PDG de Winxo, «en dépit de recommandations précises, personne ne semble avoir douté sérieusement ni de ses fondamentaux ni de la solidité de son potentiel de croissance dans un contexte d’importantes et durables surcapacités internationales de raffinage et de libéralisation affichée des activités pétrolières au Maroc».
Bref, tout le monde ou presque avait une idée sur ce qui se tramait mais personne, ou presque, n’a réellement essayé d’anticiper le pire. Et pour une unité industrielle considérée comme aussi stratégique et même vitale pour la sécurité des approvisionnements en hydrocarbures du pays, c’est difficilement acceptable.
Concernant le problème majeur de la SAMIR, Agzénai n’y va pas par quatre chemins : c’est celui de la compétitivité, sans laquelle la pérennité de la raffinerie devient hypothétique. La SAMIR est loin d’être compétitive et ce n’est un secret pour personne. L’outil a longtemps vécu grâce à la perfusion de l’Etat et a tardé à respecter les engagements pris lors de sa privatisation. C’est ainsi qu’«elle s’était lancée tardivement dans la réalisation d’importantes investissements, pas toujours justifiés. Pour certains, d’autant plus inopportunes que leur coût apparaissait de plus en plus exorbitant», fait remarquer le président de Winxo.
Or, dans un marché ouvert, seuls ceux qui sont compétitifs peuvent survivre et cela est valable partout où le libéralisme est la règle. L'exemple européen est édifiant. Moins compétitives que les raffineurs nord-américains et ceux du Moyen-Orient, les raffineries de l’Union européenne devrait baisser le nombre du tiers dans les années à venir du fait de la fermeture des unités non compétitives.
Le management de la compagnie aussi n’échappe pas aux critiques du fait de l’absence de sérieux, mais aussi sur ses capacités managériales. Une situation qui s’est traduite par «une gestion comptable et financière, une gestion des investissements et une gestion tout court, au caractère hasardeux, sans que cela n'attire l’attention», poursuit-il.
Ainsi, si l’actionnaire de référence et le management sont pointés du doigt par tout le monde, et à juste titre d’ailleurs selon Agzénai, la situation actuelle de la SAMIR n’est que la conséquence «d’une conception inadéquate de la privatisation de cette raffinerie, de la stratégie d’approvisionnement du pays en produits pétroliers et de la modernisation de la raffinerie tels qu’ils ont fait l’objet d’une convention d’investissement conclue entre la SAMIR et le gouvernement le 20 décembre 2004».
En clair, l’Etat est lui aussi en partie responsable d’avoir mal procédé à la privatisation de cet outil stratégique et surtout d’avoir longtemps fermé les yeux sur le non respect des engagements pris lors de la privatisation.
Et même les banques y sont pour quelque chose, puisqu'elles sont derrière «des emprunts disproportionnés, assortis de garanties dont la solidité reste parfois à démontrer».
Face à cette situation, la sortie de crise ne sera pas aisée, alors même que l’actionnaire de référence ne semble pas non plus être dans une meilleure situation financière. Ces tergiversations concernant la recapitalisation de la SAMIR commencent à semer le doute sur sa solidité financière réelle.
En attendant, tous les regards sont désormais fixés sur l’Assemblée générale extraordinaire de l'entreprise, attendue le 16 octobre courant.En tout cas, l’Etat devrait une fois pour toutes tirer les conclusions qui s’imposent afin d’assurer à long terme l’approvisionnement du pays en carburants, sachant que la consommation nationale devrait doubler dans les vingt prochaines années, selon un scénario conservateur, pour atteindre environ 13 millions de m3/an.