Le 17 mars 2022, l’Institut royal des études stratégiques (IRES) avait organisé une journée scientifique sur le thème «Quel avenir de l’eau au Maroc?», avec la participation d’experts nationaux et internationaux. l’Institut a publié un rapport de synthèse restituant la teneur des débats, le lundi 5 décembre dernier, portant sur la situation actuelle des ressources hydriques, ainsi que sur les enjeux soulevés par l’aggravation de leur déficit.
Le Maroc est passé au cours des deux dernières décennies d’une situation de «stress hydrique» à une situation de «rareté hydrique», alerte l’IRES dans ce rapport. Selon les estimations actuelles, l’approvisionnement moyen par habitant et par an en eau douce n’excède pas 650 m3 par habitant et par an contre 1000 m3 au début des années 2000, souligne l’Institut, rappelant qu’en 1960, ce chiffre atteignait 2500 m3 par habitant et par an.
Un modèle de gestion de l’eau à rénoverLe modèle marocain de gestion du capital hydrique, autrefois exemplaire, s’avère aujourd’hui de plus en plus inadapté, estiment les auteurs du rapport. Ainsi, une refonte de la gouvernance globale des ressources hydriques est plus que jamais nécessaire.
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Cette refonte doit prendre en compte un ensemble d’enjeux, notamment ceux de la gouvernance, du modèle productif et du développement durable. De plus, celle-ci doit aussi prendre en considération les enjeux de développement industriel, d’innovation scientifique et technologique, ainsi que d’équité économique, sociale et territoriale.
Sur la base de ces considérations, les experts réunis au siège de l’IRES le 17 mars 2022 ont formulé un nombre de propositions stratégiques, déclinées en mesures opérationnelles, visant à repenser la gestion de l’eau au Maroc.
Dans un premier lieu, ces experts appellent à capitaliser sur les acquis en matière de gouvernance de l’eau et à innover dans la gestion du capital hydrique. Sur un plan institutionnel, ils proposent de redynamiser les institutions stratégiques en lien avec l’eau, en réactivant le Conseil supérieur de l’eau et en incitant le Conseil national de l’environnement à se mobiliser plus fortement sur la question de l’eau en relation avec l’action climatique.
Ils estiment également nécessaire d’actualiser le cadre législatif et réglementaire par des mesures visant à préserver le capital hydrique. Sur un plan réglementaire, il est donc proposé de renforcer le volet écologique de la réglementation en entreprenant des actions visant au développement et à la modernisation des systèmes d’information, de suivi et d’évaluation de l’offre et de la demande en eau, ainsi que de mieux contrôler la qualité des eaux non conventionnelles traitées et imposer aux régies l’utilisation d'énergies renouvelables dans les processus de déminéralisation des eaux saumâtres.
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Ces mêmes experts recommandent la mise en cohérence les politiques publiques de l’eau, de l’agriculture, de l’industrie et de l’énergie telle que préconisée par l'approche NEXUS, en plus de l’adaptation du système productif à la rareté hydrique et l’adoption d’une approche «écosystémique et écologique» aux différentes échelles territoriales en matière de planification stratégique de l’eau.
Vers une approche moderneLes recommandations formulées par les experts ayant pris part à la Journée de réflexion du 17 mars 2022 porte également sur la modernisation du traitement de la problématique de l’eau au Maroc. Elles appellent à l’introduction de nouveaux concepts, à travers notamment l’instauration d’une balance commerciale hydrique nationale, à même d’évaluer les contenus hydriques des produits échangés avec l’étranger pour détecter les produits qui concourent aux déficits hydriques.
Il est également suggéré de se rapprocher d’une gestion de l’eau qui reflète les «coûts réels» en assurant en même temps une équité sociale qui garantisse «l’inclusivité». Par conséquent, la gestion par les coûts réels nécessiterait la mise en place de mécanismes de compensation et de solidarité nationale au profit des populations défavorisées, moins consommatrices d'eau.
Enfin, les experts ayant pris part à la Journée de réflexion du 17 mars 2022 appellent à faire du secteur de l’eau un domaine d’innovation technologique et industrielle, voire un nouveau «Métier Mondial du Maroc».
Parmi les mesures proposées sur ce volet : généraliser les technologies géo-spatiales pour la surveillance de l’évolution de la ressource hydrique disponible, développer des systèmes d’information intelligents et automatisés de suivi de la ressource et de gestion de crises (alertes, pénuries, sécheresse, répartition des rôles des intervenants, etc.) et démultiplier, à l’échelle nationale, l’installation de stations d’épuration biologique de nouvelle génération, destinées à la dépollution de l’eau et des déchets.