En préambule de son rapport annuel 2024 sur les infrastructures des marchés financiers et les moyens de paiement et leur surveillance, Bank Al-Maghrib rappelle que la surveillance des moyens de paiement constitue une mission centrale visant à garantir leur sécurité, leur fiabilité et leur alignement avec les meilleures pratiques internationales. Dans ce cadre, l’institution a conduit au cours de l’année une mission de contrôle sur place auprès d’un établissement de paiement.
Le rapport a aussi porté sur des volets considérés comme systémiques, parmi lesquels la gouvernance interne, la gestion des risques opérationnels, la sécurité des instruments de paiement ainsi que la conformité réglementaire.
Cependant, Bank Al-Maghrib souligne que 2024 a également été consacrée au suivi strict des recommandations issues des précédentes missions de contrôle, renforçant ainsi le pilotage des risques et la détection précoce des failles éventuelles. Parallèlement, l’institution a poursuivi une surveillance rapprochée des incidents et des cas de fraude d’envergure signalés au cours de l’exercice.
Le rapport met en avant la poursuite d’un chantier stratégique dont la migration des cartes bancaires domestiques à la norme internationale EMV (Europay Mastercard Visa). Bank Al-Maghrib suit de manière trimestrielle l’état d’avancement de cette transition technologique qui vise à renforcer la sécurité des transactions et à réduire les risques de fraude. À fin 2024, la migration affichait un taux quasi intégral de 99,9%, consacrant la pleine mise en conformité du parc bancaire national.
Selon BAM, la Centrale des incidents de paiement continue de constituer un baromètre essentiel du climat financier. En 2024, les incidents sur chèques ont atteint 488.000 cas, soit une contraction de 4,7% par rapport à 2023. Leur montant a reculé de 3,8%, prolongeant une tendance déjà amorcée l’année précédente. Les banques ont formulé 2,1 millions de demandes de renseignement, en hausse de 2,1%, confirmant la place centrale de ce dispositif dans l’évaluation du risque clientèle.
L’analyse mensuelle fait apparaître une baisse en début d’année avec une moyenne de 40.000 impayés par mois entre janvier et mars. Entre avril et août, le niveau est resté stable autour de 40.900 incidents, tandis que les derniers mois de l’année ont enregistré une moyenne proche de 40.700 cas. Bank Al-Maghrib souligne une évolution contrastée du profil mensuel, reflet de dynamiques conjoncturelles et sectorielles hétérogènes.
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Les régularisations ont connu un rebond spectaculaire, progressant de 50,4% pour atteindre 192.346 cas contre 127.858 un an plus tôt. Leur valeur totale a doublé, s’élevant à 5,4 milliards de dirhams contre 2,7 milliards auparavant. Bank Al-Maghrib relève que cette reprise traduit un effort de mise en conformité plus soutenu de la part des clients, dans un contexte où les entreprises et les ménages sont incités à assainir leurs engagements.
L’institution décrit en parallèle une activité notable du dispositif d’écoute dédié aux clients. Les services de Bank Al-Maghrib ont traité 6.147 requêtes, dont 97% via son réseau. Les interventions ont permis de lever 106 interdictions injustifiées et de répondre à 5.991 demandes d’accès aux données personnelles. Les succursales de Casablanca et de Rabat concentrent 47% des requêtes, confirmant la prédominance de ces deux pôles dans l’écosystème financier.
Les incidents non régularisés demeurent un chantier sensible. À fin 2024, leur nombre s’établissait à près de 3,4 millions, en très légère baisse de 0,14%. Les personnes physiques représentent 73% des cas, soit 2,5 millions d’incidents. Les interdits d’émission de chèques ont reculé à 677.000 personnes, contre 701.000 en 2023, avec une prédominance marquée des personnes physiques à hauteur de 83%. Bank Al-Maghrib insiste sur le maintien d’un risque structurel lié aux comportements de paiement, en particulier dans les segments fragiles du tissu économique.
La ventilation par montant montre que 82% des incidents concernent des chèques de 1.000 à 50.000 dirhams, tandis que ceux inférieurs à 50.000 dirhams représentent 38%. En valeur, les chèques de plus de 100.000 dirhams constituent 56% du total des impayés alors qu’ils ne comptent que pour 6% du nombre de cas. Ce déséquilibre souligne, selon Bank Al-Maghrib, la prépondérance des incidents à fort impact financier, souvent liés à des entreprises.
Le rapport met également l’accent sur la Centrale des impayés sur lettres de change normalisées (CIL). En 2024, les impayés ont progressé de 5%, atteignant 618.000 incidents. Leur montant a bondi de 18% pour atteindre 39 milliards de dirhams. Si les régularisations n’ont augmenté que de 1% en nombre, elles ont reculé de 18% en valeur, ce qui traduit une persistance des impayés les plus lourds. L’analyse mensuelle montre des hausses en janvier, avril, mai, juillet, octobre et décembre, avec une moyenne annuelle avoisinant 52.000 cas.
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Les demandes de renseignement des banques sur les LCN ont atteint 340 consultations, dominées à 92% par les entreprises, illustrant la nature fortement professionnelle du recours à cet instrument. Le cumul des impayés non régularisés approche les 5 millions de cas. En valeur, 7% du total de ces impayés provient des personnes morales, tandis qu’en nombre, leur part s’établit à 38%. Le nombre de clients concernés a augmenté, passant de 194.528 à 217.026.
La ventilation par montant confirme une structure globalement stable: 17,1% des LCN impayées portent sur des sommes inférieures à 5.000 dirhams, ne représentant que 1,1% de la valeur totale. À l’inverse, 73,9% se situent dans la tranche 5.000-100.000 dirhams, pour 35,4% en valeur. Enfin, les créances supérieures à 100.000 dirhams ne pèsent que 9% en nombre, mais concentrent 63,5% du montant total. Cette configuration traduit la concentration du risque sur les montants élevés, un enjeu étroitement suivi par Bank Al-Maghrib.
À travers ce rapport 2024, la banque centrale confirme un renforcement des mécanismes de supervision, une consolidation des dispositifs de conformité et une vigilance accrue quant aux comportements de paiement. Bank Al-Maghrib réaffirme, à travers cet exercice, la nécessité d’un pilotage rigoureux des risques dans un contexte où les moyens de paiement scripturaux connaissent une expansion continue et où les attentes en matière de sécurité sont de plus en plus élevées.








