Paralysé par crise sanitaire, le secteur de la location de voitures traverse une situation difficile. Forcés de cesser leur activité depuis le début du confinement (20 mars 2020), les professionnels broient du noir. Pour le président de l’Association des loueurs d'automobiles sans chauffeur au Maroc (ALASCAM), la montée préoccupante des suicides est directement liée aux effets de la crise sanitaire et à l’absence d’un soutien spécifique à cette activité. «Le nombre de faillites d’entreprises dans notre activité dépasse celui des décès causés par le Covid-19», affirme Mohamed Alami.
Le président de l'ALASCAM pointe du doigt l’attitude des banques et des compagnies d’assurances. «Zéro recette pendant près de trois mois. Ce qui n’a pas empêché les banques et les assurances de continuer à facturer des frais et des intérêts. Nous avons eu à gérer une situation difficile, en particulier du côté des petits loueurs, plusieurs n’ont pas trouvé de quoi nourrir leurs familles», a-t-il ajouté.
Les professionnels craignent que la situation empire après la levée du confinement, surtout qu’ils manquent toujours de visibilité quant à la reprise de l’activité touristique et à la réouverture de l’espace aérien marocain (78% des clients louent des voitures dans le cadre du tourisme).
Contactés par Le360, plusieurs sociologues déplorent l’absence d’études et de statistiques sur le phénomène du suicide au Maroc. Par précaution, ils évitent d’établir un lien direct entre la crise sanitaire et la fréquence des suicides observée récemment chez les loueurs de véhicules.
«Les travaux de sociologie, depuis les études de Durkheim, soulignent le rapport entre le suicide et les liens sociaux qui s’effilochent en l’absence de perspectives d’avenir», explique le sociologue Abdelfattah Ezzine, coordinateur du Réseau marocain de sociologie.
Concernant les suicides enregistrés suite à des problèmes dus à la conjoncture (perte de travail, faillites d’entreprises), Ezzine relève surtout un manque d’écoute et de suivi psychologique. «Malgré les efforts du gouvernement, plusieurs catégories socio-économiques n’ont pas pu profiter de l’aide de l’Etat. Cela montre que l’économie libérale (le marché) ne reconnaît que les forts. Les faibles sont une affaire d’Etat. L’Etat providence est incontournable, surtout concernant le droit, l’accès à l’éducation, à la sécurité, etc.», poursuit le sociologue.
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Un article publié dans la revue médicale The Lancet s’inquiète des «effets profonds de la pandémie de Covid-19 sur la santé mentale». En se penchant sur les crises sanitaires précédentes, ses auteurs estiment qu’il y a un risque réel que le taux de suicide augmente. Aux États-Unis, la grippe espagnole de 1918-1919 avait fait grimper le taux de suicide.
Plus récemment à Hong Kong, en 2003, l'épidémie de SRAS avait entraîné une explosion des suicides chez les personnes âgées. The Lancet notait une augmentation du stress post-traumatique et des dépressions liées à la précarité économique qui suit la crise. Le risque suicidaire est majoré de 20 à 30% en cas de chômage.
Au Maroc, les dernières statistiques communiquées par la CNSS font état de 892.711 salariés mis en chômage au mois d’avril à cause du Covid-19. Ce chiffre n’inclut pas les 4,3 millions de chefs de famille opérant dans l’informel qui se sont retrouvés en arrêt de travail depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire.