Le timide démarrage du paiement mobile n'est pas apprécié par le wali de Bank Al-Maghrib (BAM). Abdellatif Jouahri s’est agacé en effet agacé hier, en conférence de presse à Rabat, du retard pris par le déploiement à grande échelle du paiement mobile au Maroc.
"Nous avons perdu trop de temps!", s'est-il exclamé.
Les membres du Comité stratégique de l’inclusion financière, que préside le wali, se sont réunis la semaine dernière pour évaluer la situation. Si le Maroc compte à ce jour 1,5 million de wallets (des solutions de paiement via téléphone), l’écosystème de cette solution de paiement tarde à se mettre en place, déplore Abdellatif Jouahri.
Ce retard est d’autant plus regrettable que toutes les conditions sont réunies pour un déploiement à grande échelle du paiement mobile.
Sur un plan technique, tous les essais du switch ont été effectués. Sur un plan institutionnel, un Groupement d’intérêt économique (GIE) a été instauré, avec la création du Groupement de paiement mobile au Maroc (GPMM).
Mais pour que cet écosystème puisse véritablement voir le jour, il reste à convaincre les commerçants, notamment ceux de proximité, à adhérer à cette solution. Or, ces derniers hésitent encore, car ils craignent d’être ensuite "tracés" par le fisc. Des incitations fiscales, plus fortes que celles déjà prises dans le cadre de la loi de finances 2020, sont donc préconisées.
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"Des mesures d’appui fortes pour les commerçants doivent être prises. Il faut qu’il y ait certaines incitations du côté fiscal. Nous avons proposé que les commerçants de proximité qui s’inscrivent dans ce cadre-là soient aidés au maximum, pour qu’ils puissent sortir de l’informel et intégrer le secteur formel", a expliqué Abdellatif Jouahri.
"Nous avons proposé au gouvernement le lancement d'une opération pilote, à Casablanca par exemple, pour que les commerçants puissent voir de manière claire les avantages de l’écosystème du paiement mobile", a-t-il ajouté.
L’opération pilote pourrait porter sur le programme Tayssir de lutte contre l’abandon scolaire. Les transferts monétaires aux familles dans le cadre de ce programme pourraient ainsi être réalisés à travers le paiement mobile.
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Le gouverneur de BAM compte par ailleurs se rendre au Parlement pour tenter de convaincre les représentants de la nation du bien-fondé des mesures d’appui à prendre, pour inciter les commerçants à s'inscrire dans la dynamique du paiement mobile.
Son argumentaire repose sur deux éléments fondamentaux: favoriser l’inclusion financière des populations et la bancarisation, notamment dans les régions les plus enclavées du Royaume, et lutter contre la circulation de cash et sa gestion, très coûteuse. Selon Bank Al-Maghrib, 400 milliards de dirhams de flux potentiels de cash pourraient être captés par le paiement mobile.
Abdellatif Jouahri semble même faire de la réussite de ce projet une affaire personnelle. "Je serai là pour veiller à ce que le mobile banking soit mis en place et opérationnel dans les meilleurs délais, quitte à ce que je frappe à toutes les portes, y compris celles du Parlement", a conclu, infatigable et toujours aussi fringant, le wali de Bank Al-Maghrib.