Vu du ciel, Essaouira forme une proéminence sur le littoral atlantique sujette aux courants tropicaux maritimes qui lui procurent en cette période de fin d’année un climat semi-aride frais. Vue du large, le port de pêche grouille d’activités: les pêcheurs déchargent leur caisses de poissons frais dont les goélands raffolent. Depuis la terre ferme, quelques passants déambulent le long de la côte, mais aucune présence des kitesurfs ou planches à voile qui, d’habitude, font la renommé de la cité du vent.
Nous sommes en mi-décembre dans la ville d’Essaouira, lieu calme et paisible et au charme authentique.
Derrière cette zénitude à première vue banale, se cache une situation socioéconomique compliquée. Mogador tourne à présent au ralentit. Le tarissement du flux de touristes en est la principale cause. Et l’impact s’en ressent sur l’économie locale. «Après deux ans d’agonie, le secteur est mort. On parle ici et là de relance, mais à mon avis c’est déjà trop tard», se désole Abdelfatah Bachabella, propriétaire d’un hôtel dans Essaouira intramuros.
Avec près de «80% des activités» entièrement tributaires du tourisme, le secteur est, sans conteste, la locomotive avérée de l’économie souirie. Abstraction faite des épiceries, cafés et commerces de proximité, les établissements hôteliers, restaurants et bazars brassent du vent. Mais ils gardent tous une foi inébranlable en l’avenir. Ici, la résilience est une spécificité locale qui prend son ancrage dans une sorte de sagesse collective. Les responsables, opérateurs et commerçants, partagent partout le même état d’esprit. Conscients des dégâts sur l’économie de cette crise, les Souiris se montrent patients, très patients…
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L’été dernier pourtant, un semblant de reprise avait permis aux locaux de prendre leur mal en patience. Essaouira, a pour rappel, enregistré le taux de progression de visiteurs le plus élevé au Maroc en période estivale avec 32.366 arrivés contre 18.042 conclus sur les six premiers mois de l’année. «L’apport du tourisme interne a été significative», se rappelle Miloud Chacha, guide touristique. Une embellie qui a certes pu rétablir un temps soit peu la balance, mais qu’il convient de relativiser, puisque c’est Marrakech, chef lieu de la région qui a profité pleinement de l’opération Marhaba (juillet, août, septembre) avec près de 293.000 touristes.
Ceci dit, la mise en suspens de tout un pan dépendant du tourisme, n’a eu que peu d’effets sur deux autres secteurs vitaux pour la population locale. Non loin des vieilles fortifications de l’ancienne Mogador, le port de pêche, véritable plaque tournante de la ville, suit son propre rythme, indépendamment de la conjoncture. «Vu que la plupart des restaurateurs sont à l’arrêt, nous étions obliger de nous orienter vers d’autres acheteurs, mais la demande pour les pélagiques est toujours là, surtout en période de baisse du pouvoir d’achat», nous confie un vendeur au port de pêche. A Essaouira, la production halieutique issue de la pêche côtière et artisanale (respectivement à hauteur de 75% et 25%) occupe près de 5.000 emplois et génère un volume d’affaire annuel avoisinant les 150 millions de DH.
Autre secteur épargné: l’agroalimentaire qui a pu maintenir son rythme de croisière, et ce, depuis le début de la pandémie. Mis à part les activités relevant de la transformation des produits du terroir, l’impact est minime sur l’industrie. La répartition du tissu dans la province d’Essaouira montre en effet une prédominance de l’agroalimentaire (71%) à travers les huileries (3 unités), minoteries (Grand Moulin Essaouira, Sidi Megdoul) ou encore une unité de conservation de poissons, suivi par le secteur des industries chimiques et para-chimiques (21%).
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La zone industrielle (ZI) qu’abrite la ville aujourd’hui et qui concentre l’essentiel des activités de la province (unités de production, grossistes et ateliers éparses de menuiserie et mécanique) se verra bientôt délocaliser à Douar Laarab, petit patelin dans l'arrière-pays. Objectif affiché: désenclaver la ZI et libérer ainsi près de 50 hectares en ville au profit d'une zone d'animation. «La ville d’Essaouira doit se concentrer sur sa vocation touristique», résume Hassan Moumarin délégué du ministère de l’Industrie et du Commerce à Essaouira.
A l’heure où des réflexions autour de l’ultradépendance au tourisme sont menées à l’international, Essaouira décide de tout miser sur son attractivité. Opération risquée pour certains observateurs et les quelques nostalgiques de l’ancien quartier industriel. Voilà en tout cas un pari osé!