Si, dans ses derniers rapports, le FMI avait incité le Maroc à accélérer la réforme de son régime de change, les représentants de l'Etat marocain que sont le ministère des Finances et Bank Al-Maghrib étaient restés fermes sur cette question précise, conditionnant le passage vers la prochaine phase du processus de flexibilisation du cours de change du dirham à la satisfaction d’un certain nombre de pré-requis.
Le FMI et le Maroc semblent désormais s'être accordés à ce sujet. Interrogée par Le360, la directrice générale du FMI a affirmé que le lancement de la deuxième phase de la réforme du régime de change est une décision qui relèverait d’un choix politique. Toutefois Kristalina Georgieva a insisté sur la nécessité de donner plus de prédictibilité aux orientations de la politique de change pour les étapes à venir de ce processus.
«Une mission du FMI effectuera une visite au Maroc en mars prochain. Ce sera l’occasion d’approfondir les discussions à ce sujet», a annoncé cette économiste bulgare, qui a été nommée à la tête du FMI au début du mois d'octobre 2019, en remplacement de Christine Lagarde.
De leur côté, Mohamed Benchaâboun et Abdellatif Jouahri ont tour à tour insisté sur les spécificités de cette réforme. Le wali de Bank Al-Maghrib s'est voulu rassurant: «c’est écrit noir sur blanc dans les rapports du FMI. Il nous appartient, en tant qu’autorités marocaines, de bien juger le passage d’une étape à l'autre. Tous les pays qui ont migré vers un régime de change flexible l’ont fait de façon immédiate, sous l’effet de la crise. Ce n’est pas le cas du Maroc, nous sommes plus à l’aise. Nous avons encore un niveau confortable de réserves de devises».
Le Maroc, a ajouté le ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun, avait fait, en janvier 2018, ce choix souverain d’entamer la première phase de cette réforme. «C’est une démarche volontariste et graduelle. Le dirham ne souffre d’aucun mésalignement par rapport aux fondamentaux. Aujourd'hui, les indicateurs permettent d’aller plus loin. Il appartient à Bank Al-Maghrib et au ministère des Finances de fixer la date de migration vers la deuxième phase», a expliqué le ministre de l'Economie et des finances.
«Mais quelqu'en soit la date, vous ne le saurez pas à l’avance. Vous le saurez après», a souri le wali de BAM, dans une de ces petites phrases teintées d'humour dont il a le secret.
Toutefois, la discrétion qui entoure le calendrier de l'activation de la deuxième phase de cette réforme est de toutes façons de mise. Cela permet d’éviter des comportements spéculatifs qui pourraient cibler la valeur des devises. En effet, au mois de mai 2017, à quelques semaines du démarrage de la première phase de la flexibilité du régime de change du dirham, des volumes record de devises avaient été consommées sur le marché de change, au titre d'opérations de couverture, ce qui avait entraîné un effritement des réserves de change. En l'espace d'un mois, celles-ci avaient baissé de l'ordre de 40 milliards de dirhams.
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En ce qui concerne la question de la Ligne de précaution et de liquidité (LPL), ouverte par le Maroc auprès du FMI depuis 2012 (un quatrième accord a été signé en décembre 2018, pour un montant de 2,97 milliards de dollars, sur une période de deux ans), la directrice générale du FMI a estimé que ce mécanisme a joué un rôle positif, et a été très apprécié, en tant que gage de confiance, destiné à rassurer les investisseurs privés, tout particulièrement dans le contexte géopolitique actuel.
Il reste à savoir si la ligne de précaution ouverte par le Maroc, qui viendra à échéance en décembre prochain, sera renouvelée ou se dirigera-t-on vers un nouveau mécanisme de financement moins contraignant (tel une Ligne de crédit modulable- LCM).
«Nous avons jusqu’à la fin de l’année pour décider si nous allons poursuivre le même chemin ou s'il faut opérer une transition. Le gouvernement marocain va en décider. Le FMI réagira ensuite», a souligné Kristalina Georgieva.
Ces propos de la directrice du FMI laissent à penser qu’il sera difficile pour le Maroc d’échapper à un mécanisme de financement de type LPL ou LCM, d’ici à la fin de l'année 2020.
«L’économie mondiale a connu en 2019 sa croissance la plus faible depuis la récession, issue de la crise de 2008-2009. Le taux de croissance réalisé par le Maroc, soit 2,9%, est en deçà des attentes. De nouveaux risques émergent. Les discussions entre le FMI et le Maroc vont donc se poursuivre dans ce contexte international empreint d’incertitudes», a expliqué Kristalina Georgieva.
Pour le wali de Bank Al-Maghrib, l'objectif recherché est de ne plus recourir à la LPL et de faire en sorte que le Maroc puisse de lui-même offrir aux marchés internationaux cette garantie que lui offre le FMI. «Les bonnes relations entretenues par le Maroc et le FMI nous amèneront à trouver les meilleures solutions de part et d’autre», a déclaré Abdellatif Jouahri.
Par ailleurs, la visite de Kristalina Georgieva a été l’occasion de s’enquérir, à Marrakech, de l'état des lieux des préparatifs engagés par le Maroc pour accueillir les assemblées generales annuelles de la Banque mondiale et du FMI, deux grands rendez-vous prévus en novembre 2021.
Pendant une semaine, Marrakech doit recevoir des délégations des pays du monde entier, conduites par leur ministre des Finances et le gouverneur de leur Banque Centrale et deviendra «la capitale financière mondiale».
Le choix de la ville ocre a été apprécié par la directrice générale du FMI qui, au terme de cette visite de travail de quatre jours au Maroc, repart avec des produits artisanaux qu'elle a acquis à Jamaâ El Fna, et qui vont, a-t-elle déclaré, égayer son bureau, au siège du FMI à Washington.