Younes Idrissi Kaitouni, patron de la DGI: «La baisse de la TVA n’est jamais répercutée sur les prix»

La conférence-débat organisée, le 15 février, par La Vie Éco, sous le thème «Fiscalité: nouveautés 2024 et challenges à venir».

Invité à une conférence le 15 février à Casablanca sur la fiscalité, Younes Idrissi Kaitouni, patron de la Direction générale des impôts, a été amené à aborder différentes questions d’actualité. Il s’agit notamment de la répercussion de la baisse de la TVA sur les prix à la consommation, l’acquisition d’équipement en exonération de TVA pour les investisseurs, l’élargissement de l’assiette fiscale et la lutte contre l’informel.

Le 17/02/2024 à 14h12

La première sortie médiatique de Younes Idrissi Kaitouni, directeur de la Direction générale des impôts (DGI), après l’entrée en vigueur de la loi de finances 2024 et la publication par la DGI de la note circulaire relative aux dispositions fiscales de cette année budgétaire, n’a pas été de nature à passer inaperçue. Invité à une conférence-débat organisée, le 15 février, par La Vie Éco, sous le thème: «Fiscalité: nouveautés 2024 et challenges à venir», aux côtés de Réda Lahmini, vice-président de la commission finances à la Chambre des conseillers et de Samir Bennis, président de la commission fiscalité du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables.

Le patron du fisc a été amené, lors de ce débat, à aborder différentes questions en lien avec la fiscalité. Il s’agit notamment de la répercussion de la baisse de la TVA sur les prix à la consommation, l’acquisition d’équipement en exonération de TVA pour les investisseurs, l’élargissement de l’assiette fiscale et la lutte contre l’informel.

Des prix administrés pour répercuter la baisse de la TVA

«La baisse de la TVA ne se répercute jamais sur les prix sauf pour le cas des prix administrés», affirme avec insistance Younes Idrissi Kaitouni qui a été interrogé sur cette question. «Malheureusement, dans un marché libre, on ne peut pas demander à quelqu’un de baisser les prix», note-t-il. Mais, le patron de l’administration fiscale tient à préciser que ce phénomène est mondial. Pour y remédier, le Maroc recourt justement, parfois, aux prix administrés, comme c’est le cas pour les produits pharmaceutiques et l’eau dans la loi de finances 2024.

Achat en exonération de TVA: fraude à coup de dizaines de milliards

«L’achat d’équipements en exonération de taxe est une niche de fraude extrêmement… incroyable!», soutient le patron du fisc qui cherchait ses mots pour bien qualifier ce phénomène et faire ressortir toute son ampleur. Et ce, en réponse à un expert-comptable qui a évoqué la lourdeur de la procédure introduite par la nouvelle circulaire pour l’octroi des attestations relatives à cette exonération. «L’achat en exonération de la TVA n’est pas un avantage fiscal, mais un avantage de trésorerie, une déduction anticipée de la TVA. La DGI vous avance de la trésorerie que vous devez rembourser lorsque vous commencerez à facturer. C’est un prêt à taux zéro pour une durée indéterminée octroyé par l’administration/État qui joue le rôle de la banque!», schématise-t-il à l’auditoire.

«Ce sont des dizaines de milliards de dirhams d’équipements acquis en exonération de TVA et à l’importation c’est encore le triple, pour lesquels nous ne trouvons aucun chiffre d’affaires», s’indigne-t-il. Le fisc a donc adopté une nouvelle démarche qui «vise à accompagner les entreprises contribuables qui veulent investir et rendre la vie dure à l’informel», conclut Younes Idrissi Kaitouni, en insistant sur la nécessité d’avoir des garanties sur l’effectivité de l’investissement pour accepter les demandes d’achat en exonération.

Élargir l’assiette fiscale, oui mais comment?

«Il y a deux notions que je ne comprends plus: l’élargissement de l’assiette fiscale et la lutte contre l’informel», confie à l’assistance le directeur général de l’administration fiscale. Pour lui, l’élargissement de l’assiette fiscale a été utilisé à tout bout de champ, à tel point qu’il a commencé à perdre son sens. «Élargir l’assiette fiscale, oui mais comment?», insiste-t-il.

S’attardant sur la lutte contre l’informel, il souligne qu’on ne peut s’y prendre que selon ce que permet la loi. En cas de la découverte d’un atelier clandestin, par exemple, «nos équipes peuvent-elles intervenir, perquisitionner? La loi ne le permet pas», explique le directeur de la DGI . «Nos équipes font un travail de contrôle excellent, mais l’informel ne baisse pas», constate-t-il. Pour ne pas continuer à se battre contre les moulins à vent, le fisc a opté pour le «changement de paradigme», selon lui. «Nous essayons de détecter des niches de fraude fiscale, de comprendre leur business model pour le casser», résume-t-il.

Par ailleurs, dans le domaine de la lutte contre la fraude, Younes Idrissi Kaitouni tient à rassurer: «Nous faisons notre travail sans aucun apriori. Tout le monde est transparent jusqu’à preuve du contraire par nos soins. Nous trouvons des fraudeurs même parmi les plus grandes entreprises, y compris celles cotées en bourse. Tout notre travail est d’essayer de faire du contrôle prédictif pour que nos équipes ne partent pas passer leur temps à embêter des gens qui n’ont rien à se reprocher».

Par Lahcen Oudoud et Khadija Sebbar
Le 17/02/2024 à 14h12