Sain et sauf, Hichem Aboud a pu regagner, lundi 22 octobre, son domicile en France après cinq jours d’une mésaventure qu’il n’est pas près d’oublier. Enlevé jeudi 17 octobre à Barcelone, sur ordre du régime d’Alger d’après lui, c’est en véritable miraculé qu’il a pu être libéré, samedi à l’aube, par les éléments de la Guardia civil espagnol à Lebrija, une commune située dans la province de Séville en Andalousie, à quelque 900 kilomètres de son lieu de kidnapping.
Citant des sources autorisées, l’agence officielle espagnol EFE indique que cette libération est intervenue «par hasard, lorsque des agents de la Guardia civil ont repéré un bateau soupçonné de trafic de drogue sur le fleuve Guadalquivir alors qu’il traversait la ville sévillane». À quai, trois véhicules l’attendaient, parés au déchargement. La Guardia civil est sitôt intervenue. Les présumés trafiquants ont alors tenté de fuir. Certains y sont parvenus alors que deux personnes, des membres présumés du gang des ravisseurs, ont été arrêtées. Sur place, les autorités espagnoles découvrent également un otage, ligoté, torse nu, le visage encagoulé et le corps portant plusieurs blessures. Hichem Aboud, 69 ans est depuis des décennies l’homme à abattre du régime algérien. Il en est l’un des opposants les plus en vue en Europe. Auteur du véritable pamphlet La Mafia des généraux, journaliste et commentateur à succès dans de nombreux médias, dont la plateforme d’information espagnole Atalayar et figure de proue du Hirak en Algérie, Aboud avait tout de l’ennemi public numéro un pour la junte militaire.
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Tout a commencé, relate le quotidien à grand tirage El Pais, le jeudi précédent à onze heures et demie du soir sur les hauteurs de Barcelone. Le journaliste et youtubeur était arrivé le jour même à l’aéroport El Prat en provenance de Bruxelles. Il voyageait seul, selon des sources policières citées par le quotidien. Dans le quartier Raset, «plusieurs témoins ont vu Aboud, portant une valise, et demandant une adresse qu’il n’a pas pu trouver», lit-on. C’est à ce moment-là que plusieurs hommes cagoulés sont descendus d’un véhicule à sa hauteur et l’ont forcé à monter à bord. Des cris tant de la victime que de ses ravisseurs ont alors été entendus avant que la voiture ne démarre et disparaisse à vive allure.
La «baraka»
Alertée, la police autonome catalane, les Mossos d’Esquadra, lance l’enquête. Signalé, le véhicule sera retrouvé une heure plus tard dans la région de Tarragone, une ville du sud de la Catalogne. Une mobilisation générale des forces de l’ordre est alors donnée. Au départ, les Mossos privilégient la piste d’un règlement de compte entre gangs, soit un enlèvement typique du monde criminel sur fond de vendetta ou de chantage. Personne n’avait d’ailleurs porté plainte devant les Mossos et aucune disparition n’avait été signalée.
Sauf que sur les lieux du rapt, la police catalane va retrouver un téléphone portable appartenant à Hichem Aboud qui l’avait perdu en se débattant contre ses ravisseurs. L’affaire prend alors une toute autre tournure.
Grâce aux différentes caméras présentes dans la zone, l’enquête permet également d’identifier et de tracer au moins deux suspects qui, la veille, se trouvaient en repérage sur les lieux où l’écrivain a été kidnappé. L’une des deux personnes a d’ailleurs été arrêtée à Lebrija par la Guardia civil.
Le régime d’Alger au banc des accusés
Si une véritable course-poursuite à la recherche des ravisseurs a été enclenchée de Barcelone à l’Andalousie, elle s’est révélée infructueuse et c’est par le plus pur des hasards que Aboud a été retrouvé ligoté à Lebrija…dans le cadre d’une tout autre affaire.
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Autre grand tirage espagnol, le quotidien ABC précise que les Mossos et la Guardia civil mènent une enquête ouverte pour déterminer ce qui s’est passé. «L’auteur algérien va bien et l’enquête reste ouverte. Les agents en charge de cette affaire concentrent leurs efforts notamment sur les deux ravisseurs présumés arrêtés à Lebrija», lit-on également dans les colonnes des quotidiens El Mundo et La Razon.
Pour le principal concerné, il ne fait aucun doute que la tentative d’enlèvement a été opérée par une organisation criminelle à la solde des services de renseignement du régime algérien. Objectif: l’embarquer depuis Lebrija par bateau avec l’Algérie pour destination finale où le pire l’attendait.
Aboud a porté plainte dans ce sens auprès de la justice espagnole. Son avocat, «Abdeljalil Essakali, interviendra prochainement auprès du chef du gouvernement espagnol pour dénoncer cet acte hostile du régime algérien qui a utilisé les services d’une organisation terroriste sur le sol ibérique pour organiser l’enlèvement d’un journaliste pacifiste», écrit Atalayar.
Cité par El Pais, l’avocat français de l’opposant a précisé que ce kidnapping était loin d’être une première. La justice française a ouvert une enquête sur une tentative d’enlèvement contre le journaliste et opposant politique en 2021. Chez lui en Algérie, Aboud est d’ailleurs condamné à la peine capitale…pour terrorisme. C’est dire le sort macabre qui l’attendait si l’enlèvement avait réussi.