Après une soirée de lancement mardi, qui doit présenter les futurs blockbusters de la fin de l’année comme «Indiana Jones et le Cercle Ancien» ou le nouveau «Call of Duty: Black Ops 6», et une journée consacrée aux professionnels mercredi, la Gamescom 2024, grand-messe du jeu vidéo qui se tient à Cologne, en Allemagne, accueillera le public du jeudi 22 au dimanche 25 août.
Pendant quatre jours, professionnels et amateurs vont se croiser dans les immenses halls de la Koelnmesse, où chaque studio dispose de son stand et permet aux visiteurs de tester les dernières nouveautés. Près de 320.000 visiteurs s’étaient rendu à l’édition 2023 et les organisateurs espèrent bien renouer avec les chiffres de fréquentation pré-Covid, qui avoisinaient les 370.000 participants.
Mais en coulisses, les studios font grise mine. Selon le décompte tenu par le site Game Industry Layoffs, au moins 11.000 professionnels du secteur ont été licenciés dans le monde sur les sept premiers mois de 2024, soit déjà plus que pour toute l’année 2023 (environ 10.500).
Dernier exemple marquant: le développeur et éditeur américain Bungie (créateur des jeux «Halo» et «Destiny»), racheté par Sony en 2022, a annoncé le 31 juillet la suppression de 220 postes, soit 17% de ses effectifs, «en raison de l’augmentation des coûts de développement et de l’évolution du secteur, ainsi que des conditions économiques».
Habitué du salon, David Rabineau, développeur français à la tête d’un studio indépendant, Homo Ludens, à Paris, constate que désormais «les budgets sont plus faibles» et les éditeurs, qui financent la production des jeux, plus sélectifs. «Ils cherchent à prendre de moins en moins de risques», explique-t-il, ce qui a aussi des conséquences sur le contenu car «pour survivre, certains doivent développer des jeux moins risqués et donc moins innovants».
Pour Stéphane Rappeneau, co-fondateur de Weirdloop et professeur d’économie du jeu vidéo à la Sorbonne, les éditeurs subissent de plein fouet la baisse des investissements privés. Arrivés lors de la période post-Covid alors que l’industrie du jeu vidéo était en plein boom, ces fonds se tournent désormais vers d’autres secteurs jugés plus porteurs, comme l’intelligence artificielle. Par effet en cascade, «les éditeurs répercutent sur les studios ces difficultés de financement», affirme l’économiste.
«Ça a été clairement une année tumultueuse», constate Mat Piscatella, analyste pour le cabinet américain Circana. Selon lui, le marché des consoles de jeu se trouve dans une position délicate «car les PlayStation 5 et Xbox Series ont dépassé leurs pics de vente» tandis que la Switch de Nintendo, sortie en 2017, approche la fin de son exploitation.
Il pointe également le poids pris par les jeux «trous noirs», ces mastodontes de l’industrie comme «Fortnite», «Minecraft», «League of Legends», «Roblox» et «Grand Theft Auto V» (GTA), qui captent depuis des années une grande partie du temps et de l’argent des joueurs, au détriment des nouvelles sorties.
Selon le cabinet Newzoo, en 2023, les jeux publiés avant 2018 représentaient près de 61% du temps total passé en jeu sur ordinateurs et consoles (hors Chine et Inde). Dans un secteur rythmé par les annonces et l’attente de futures sorties, «il n’a jamais été aussi difficile de percer pour les nouveaux jeux», confirme Mat Piscatella.
«Malgré tout, je pense que le pire est derrière nous» veut croire l’analyste, qui espère le retour d’une dynamique positive en 2025. Selon lui, l’arrivée l’an prochain de la console qui succèdera à la Switch, ainsi que la sortie à l’automne 2025 du mastodonte GTA VI, attendu depuis plus de dix ans, devrait «ramener de nombreuses personnes au jeu vidéo» et redonner un coup de fouet à l’industrie.