Les incertitudes sur le retour en service du MAX sont nombreuses. La facture pourrait dépasser les 17 milliards de dollars et Boeing doit répondre aux questions sur sa culture et sa transparence.
Le 737 MAX, un avion monocouloir pouvant transporter jusqu'à 230 passagers suivant ses versions (7, 8, 9 et 10), mis en service en mai 2017, est cloué au sol à travers le monde depuis mi-mars après deux catastrophes aériennes intervenues en moins de six mois d'intervalle.
Sur Ethiopian Airlines, un accident a causé la mort des 157 personnes à bord le 10 mars 2019. Auparavant, le 29 octobre 2018, un 737 MAX de Lion Air s'était écrasé, faisant 189 morts. Dans les deux cas, le système automatique MCAS, qui devait empêcher l'avion de partir en piqué, a été mis en cause.
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Un comité regroupant les autorités mondiales de l'aviation civile (JATR) a estimé récemment que l'agence fédérale américaine de l'aviation (FAA) n'avait pas évalué correctement le MCAS parce qu'elle manquait d'ingénieurs et d'expertise. Plusieurs autorités américaines ont lancé des enquêtes. Des échanges remontant à novembre 2016 entre deux pilotes de Boeing, publiés vendredi, suggèrent que le MCAS rendait l'avion difficile à piloter en simulateur. "Il déraille dans le sim" (simulateur, ndlr), écrit l'un de ces pilotes à un collègue.
Boeing était informé de l'existence de ces messages depuis plusieurs mois et les a transmis au ministère de la Justice en février, soit un mois avant le crash d'Ethiopian Airlines. Mais le département des Transports et les élus américains n'en ont pris connaissance que jeudi. La plupart des experts interrogés par l'AFP ne sont pas inquiets de la sécurité du 737 MAX et sont catégoriques sur un point: cet avion, moteur des bénéfices de la division aviation civile de Boeing, va revoler.
Mais quand? Telle est l'incertitude, car les récents rebondissements sont de nature à inciter les régulateurs à inspecter l'avion sous tous les angles. Or un tel examen peut prendre beaucoup de temps. Boeing n'a pas encore enregistré d'annulation de commande ferme, même si des compagnies aériennes ont fait part publiquement de leur mécontentement.
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Depuis le début de cette crise en mars, aucun dirigeant de Boeing n'a été remercié ni sanctionné. Les récentes révélations ont toutefois fragilisé Dennis Muilenburg, le grand patron, qui s'est vu retirer la casquette de président du conseil d'administration, mais qui reste membre de l'instance. Des analystes appellent à son limogeage, qui pourrait intervenir, selon eux, après la levée de l'interdiction de vol.
Une audition de M. Muilenburg le 30 octobre au Congrès s'annonce cruciale. Sur le plan juridique, les enquêtes du ministère de la Justice et du département des Transports pourraient aboutir à de grosses amendes. Il est toutefois difficile d'imaginer des sanctions, comme clouer définitivement au sol le MAX, en raison de la place unique qu'occupe Boeing dans le rayonnement des Etats-Unis sur la scène internationale.
Des familles des victimes ont également porté plainte. Elle s'élève à 8,4 milliards de dollars pour l'instant, estime Boeing. Mais Bank of America évalue le coût cumulé de la baisse de production, des modifications techniques, des indemnisations diverses des compagnies aériennes et des aides aux sous-traitants à 17,2 milliards.
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Les déboires du 737 MAX ont entraîné une réduction des cadences de production et un plongeon du chiffre d'affaires, qui devrait encore chuter dans les prochains mois, le groupe ayant suspendu les livraisons de cet avion. Mais "c'est aller un peu vite en besogne que de penser que l'existence de Boeing est menacée", répond Michel Merluzeau, chez AirInsight Research.
Non seulement Boeing va récupérer tous les revenus différés une fois l'interdiction de vol levée, mais le groupe de Chicago produit également les gros porteurs 787 Dreamliner et 777, et propose des services lucratifs à l'industrie aéronautique. Il dispose également d'une importante division militaire, est présent dans l'espace et planche sur les voitures volantes.