Après seulement trois ans d'existence, le parti créé pour contester la politique européenne d'Angela Merkel n'a plus rien à voir avec ce qu'il était à l'origine.
Aux envolées anti-euro a succédé un discours centré sur les réfugiés, avec à la clé des messages à connotation xénophobe et des déclarations provocatrices.
L'AfD propose de tirer sur les réfugiés
"Aucun policier ne veut tirer sur un réfugié, je ne le veux pas non plus. Mais en dernière instance, on doit pouvoir avoir recours aux armes", a-t-elle dit dans un journal régional.
Le propos a suscité un tollé, comme l'avaient fait les remarques d'un autre élu du mouvement, Björn Höcke, estimant début décembre que "le comportement reproductif des Africains" pouvait représenter une menace pour l'Allemagne.
"Le traitement de la question des réfugiés par l'AfD est inhumain et insupportable", a même jugé son ancien président, Bernd Lücke, violemment poussé vers la sortie lors du dernier congrès du parti à Essen (ouest), en juillet.
Ce "congrès a marqué la fin de la lutte interne sur le choix de son orientation dans le paysage politique allemand", analyse pour l'AFP Werner Patzelt, professeur de sciences politiques à l'Université technique de Dresde (est).
Alors qu'il aurait pu devenir un nouveau parti libéral et succéder au FDP, acteur vieillissant du jeu politique ouest-allemand, il a finalement été emporté par les tenants de son "aile droitière qui venait d'engranger des victoires aux élections régionales en Thuringe, Saxe et dans le Brandebourg", souligne Patzelt.
Leur prise du pouvoir au sein du parti a coïncidé avec le début de la vague de réfugiés de l'été. Et s'ils ont d'abord été inaudibles alors que les Allemands proposaient leur aide dans les gares pour accueillir les réfugiés, ils ont peu à peu gagné en écho.
Dans le principal sondage politique du pays, "DeutschlandTrend", leur progression est ainsi régulière: 4% d'intentions de vote début septembre, 6% en octobre, 10% en décembre.
En janvier, après les violences du Nouvel An à Cologne (ouest), attribuées à des immigrants originaires d'Afrique du Nord ou des demandeurs d'asile, un autre sondage de l'institut Insa pour Bild leur accordait même 13% des suffrages et en faisait la troisième force politique du pays derrière la CDU et le SPD.
L'AfD "mobilise sur le ressentiment", a estimé Hajo Funke, politologue de l'Université libre de Berlin, sur la radio Deutschlandfunk.
La droite radicale va-t-elle s'ancrer en Allemagne?
Le parti séduit cette frange de l'opinion allemande qui s'inquiète de l'afflux massif de réfugiés, 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015, et ne veut plus croire au mantra de la chancelière Angela Merkel sur l'intégration: "Nous allons y arriver".
A l'aune du tollé qu'elle provoque par ce genre de propos, l'AfD pourrait se discréditer dans le débat public allemand, comme l'ont été des partis d'extrême-droite à l'instar du NPD ou de la DVU.
Mais, relevait lundi Heribert Prantl, éditorialiste du Süddeutsche Zeitung, c'est l'inverse qui se produit: à force d'être commenté, le discours de l'AfD progresse et cela pousse le parti "à devenir encore plus virulent".
L'AfD s'installe comme "parti de droite radicale", selon Funke, clairement positionné à la droite des Unions chrétiennes conservatrices CDU/CSU de la chancelière Angela Merkel. Un danger pour la CSU bavaroise notamment qui, historiquement, a toujours proclamé qu'il n'y aurait "pas de parti démocratiquement légitimé à (sa) droite" en Allemagne et durcit du coup elle-même son discours sur les migrants.
La présence durable de cette radicalité à droite "a quelque chose de nouveau", complète Patzelt, rappelant que le poids du passé nazi de l'Allemagne a jusqu'ici empêché les partis ainsi positionnés de connaître un succès national durable, contrairement à la France ou l'Autriche par exemple.
L'AfD est aujourd'hui présente dans cinq Parlements régionaux. Et le 13 mars, selon les sondages, le parti devrait poursuivre sa progression et faire son entrée dans trois nouveaux Parlements: Bade-Wurtemberg, Rhénanie-Palatinat et Saxe-Anhalt.