"Il n'y a tout simplement pas de temps à perdre", a dit dans son discours d'ouverture de la 8e édition du Forum le président brésilien Michel Temer, dont le pays, qui dispose de 18% de l'eau potable de la planète, est touché depuis 2012, dans le Nord-est, par la plus longue sécheresse de son histoire. "Il y a un consensus", a ajouté le chef de l'Etat, "la vie sur Terre est menacée si nous ne respectons pas les limites de la nature".
L'ONU a dévoilé de son côté un rapport particulièrement inquiétant selon lequel près de la moitié de la population mondiale - 3,6 milliards de personnes - vit dans des zones où l'eau peut manquer au moins un mois par an, un nombre qui pourrait atteindre 5,7 milliards en 2050.
Sous le mot d'ordre "Partager l'eau", 40.000 personnes assistent au Forum jusqu'à vendredi, dont une quinzaine de chefs d'Etats, 300 maires de villes du monde entier, plusieurs dizaines de scientifiques et de militants écologistes. "Près de 97% des ressources disponibles d'eau dans le monde sont dans des nappes phréatiques transfrontalières", d'où la nécessité d'une "gestion efficace des eaux partagées", a déclaré Benedito Braga, président du Conseil mondial de l'eau, institution dont le siège est à Marseille (France) et organisatrice de l'événement.
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Le forum se réunit à l'heure où de grandes villes, comme celles du Cap, font face à un manque dramatique d'eau. La métropole sud-africaine a été menacée de coupure d'eau courante dans les prochains mois à cause de la sécheresse. Face aux changements climatiques et à la pression démographique qui pèsent sur les ressources en eau, l'ONU recommande que les pays se concentrent sur les "solutions vertes", en s'inspirant de la nature plutôt que de construire de nouveaux barrages et des stations d'épuration.
Des processus naturels peuvent "agir comme régulateurs, nettoyeurs et fournisseurs d'eau", a expliqué lors d'une conférence de presse à Paris Richard Connor, rédacteur en chef du rapport annuel des Nations unies.
Au Brésil, le gouvernement a lancé depuis 2005 le plus grand projet de son Histoire dans ce domaine, la déviation du fleuve San Francisco pour combattre l'aridité traditionnelle de la région du Nord-est. Le chantier monumental, de quelque 3 milliards de dollars de budget, apportera d'ici 2019 de l'eau douce à quatre Etats de la région, soit 12 millions de Brésiliens. "La transformation de la région est absolument fantastique", a assuré le ministre de l'Intégration nationale, Helder Barbalho.
Alors que la demande d'eau augmente, les réserves souterraines s'épuisent, pompées principalement pour l'irrigation, et la qualité de l'eau se dégrade, polluée par les eaux usées industrielles et municipales et les produits chimiques agricoles, avertit l'ONU.
Depuis deux décennies, la municipalité de New York a développé une politique originale de protection des trois bassins versants qui alimentent la ville et ses 8,5 millions d'habitants: elle participe à des programmes de préservation des forêts et rémunère des agriculteurs pour leurs bonnes pratiques. Résultat: New York "reçoit une des eaux les plus propres des Etats-Unis", selon Richard Connor, tout en économisant 300 millions de dollars par an sur son traitement.
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Autre exemple, en Egypte: un projet pilote de zones humides aménagées à Bilbeis, à 55 kilomètres au nord du Caire, a permis de traiter des eaux usées et d'irriguer des eucalyptus, tout en étant "moins onéreux" que les solutions habituelles d'épuration. "Ces solutions sont rentables" et "ne coûtent pas plus cher", a insisté Connor.
Les principaux secteurs où elles pourraient être déployées sont l'agriculture, mais aussi "les villes en croissance", notamment dans les pays en développement, a estimé le scientifique.
Le recours à des systèmes naturels ou semi-naturels offre de nombreux autres avantages. En plus d'améliorer la disponibilité en eau et sa qualité, "il est possible d'augmenter la production agricole par hectare avec une meilleure gestion de l'eau" et de nourrir ainsi plus de monde, a assuré Stefan Uhlenbrook, coordinateur du programme mondial des Nations Unies pour l'évaluation des ressources en eau (WWAP).
Les infrastructures "vertes" jouent aussi sur l'érosion et la qualité des sols, la végétation, les risques de sécheresse et d'inondation, même si pour l'instant, le recours à ces solutions "reste marginal".