L’adjudant-chef Guermit Bounouira risque d’embarrasser fortement les enquêteurs chargés de l’auditionner. Le secrétaire particulier de l’ancien chef d’état-major de l’armée algérienne et vice-ministre de la Défense, le défunt général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, était adulé par ceux-là mêmes qui sonnent, aujourd’hui, la charge contre lui et qualifient sa conduite comme relevant de la «haute trahison».
En sa qualité de secrétaire particulier de Gaïd Salah, Guermit Bounouira était incontournable pour ceux qui voulaient porter des messages à l’ancien patron de l’armée algérienne. Les hauts gradés qui cherchaient des faveurs, promotions pour eux ou leur entourage étaient aux petits soins avec l’adjudant-chef qui a pu cumuler une fortune, sans commune mesure avec son grade. Selon nos sources, Saïd Chengriha, actuel chef d’état-major, et le général-major Mohamed Salah Benbicha, directeur des ressources humaines de l’armée algérienne, font partie de ceux qui ont enrichi Bounouira.
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En effet, peu de temps avant son arrestation et sa remise par les autorités turques à l’Algérie, Guermit Bounouira était entré en contact avec le général Mohamed Salah Benbicha pour le menacer d’un grand déballage si Chengriha ne cessait pas le harcèlement dont il faisait l’objet ou mettait à exécution sa menace d’émettre un mandat d’arrêt international contre lui.
Ce dernier a rappelé à Benbicha qu’il a acquis l’un de ses terrains grâce à une somme qui lui a été remise par Saïd Chengriha en personne. Guermit Bounouira a affirmé disposer des preuves de sa relation avec Chengriha. Parmi les preuves, il a cité un courrier, contenant 100 millions de centimes, que lui a envoyé Chengriha, en guise de cadeau au fils de Gaïd Salah qui venait de célébrer son mariage.
Guermit Bounouira a également menacé Benbicha de dévoiler les sommes d’argent qu’il lui remettait. Il lui aurait même rappelé que c’est l’une des enveloppes qu’il a reçues de lui qui a servi à l’achat d’une voiture de marque Volkswagen Passat.
Chengriha et Benbicha ne sont très probablement pas les seuls hauts gradés de l’armée algérienne qui ont engraissé Guermit Bounouira. La corruption est une pratique généralisée dans l’armée algérienne et remplace le mérite et la compétence pour accéder aux postes de commandement.
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On comprend dès lors que le grand bruit fait autour de la fuite de Guermit Bounouira ne provient pas seulement de la crainte de le voir confier à une puissance étrangère des documents, à la fois militaires et politiques (Gaïd Salah était également vice-ministre), mais aussi de la peur qu’il ne dévoile la longue liste de ses corrupteurs, dont certains sont aujourd’hui les patrons de l’armée algérienne.
Tel père, tel filsLes enfants des hauts gradés militaires algériens profitent bien du poste de leur géniteur. Avant qu’il ne soit arrêté, Guermit Bounouira avait confié à l’opposant et ancien diplomate algérien Mohamed Larbi Zitout comment le fils, le capitaine Chafik Chengriha, et les filles du chef d’état major, cumulent d’indus avantages. En dépit de ses révélations, le chef d’état-major s’est opposé à ce que son fils soit auditionné par la justice militaire. Il a demandé à ce que ce dossier soit définitivement classé.
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Le fils Chengriha a même eu droit à la sollicitude des hauts galonnés de l’ANP. L’un d’eux, le général Sidi Ali Ould Zmirli, à la tête de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), a conseillé à Chafik Chengriha de changer de numéro de téléphone, pour éviter tous les messages anonymes et haineux des membres du «clan Gaïd Salah».
Le fils du général Benbicha profite également du poste de papa pour faire de florissantes affaires. Adil Benbicha a fait fortune grâce au précieux concours de son père qui lui a ouvert toutes grandes les portes du juteux marché des équipements militaires. Le tout avec la complicité d’un autre haut gradé véreux: le général Ahmed Saoudi qui occupe le poste stratégique de directeur central des installations militaires au ministère de la Défense.
Bounouira ou pas Bounouira, les enfants des hauts galonnés n’ont qu’à bien se tenir. Les enfants du président Tebboune ne sont pas là pour faire de la figuration… Jusqu’à ce qu’un autre gang remplace celui qui dirige actuellement le pays. Ainsi va l’Algérie.