Le 15 mars dernier, le SIPRI, un think tank indépendant de recherche sur les conflits, le contrôle des armes et le désarmement, a publié son rapport sur «les transferts internationaux d'armes» couvrant la période 2016-2020
Dans un communiqué de presse présentant les plus importantes conclusions de ce rapport, le SIPRI précise, en ce qui concerne la région de l’Afrique du nord, que «l'Algérie a augmenté ses importations d'armes de 64% par rapport à 2011-15, tandis que les importations d'armes du Maroc sont inférieures de 60%» pour la même période.
Bien que le SIPRI souligne que les transferts internationaux d'armes se sont stabilisés ces dernières années, l'Algérie a fortement augmenté ses importations d'armes, soit un bond de 64% depuis 2015 pour une somme dépassant les 35 milliards de dollars. Autre fait remarquable: l’Algérie, principal client traditionnel de la Russie et de la Chine, est devenue un important importateur d’armement allemand.
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Cependant, malgré la baisse parallèle des importations de matériel militaire au Maroc durant la même période de 2016-2020, les médias algériens proches du pouvoir ont présenté une lecture biaisée des chiffres du SIPRI. Ainsi, dans un article intitulé «Armement: l’Algérie et le Maroc, principaux importateurs en Afrique», le quotidien El Watan, proche des services algériens, tente dans son édition d'hier, samedi 20 mars, de faire croire qu’une course effrénée à l’armement entre le Maroc et l’Algérie bat actuellement son plein.
Il laisse entendre de ce fait que les dépenses militaires d’Alger seraient justifiées par la volonté de s’aligner militairement sur le voisin marocain, qui serait lancé dans une course effrénée à l’armement. Une désinformation de la pire sorte et qui ne dupe personne, dans la mesure où il n’y a pas de commune mesure entre les dépenses déchaînées des généraux algériens, dont le budget n’est même pas soumis au Parlement, et les dépenses raisonnées et raisonnables de l’armée marocaine qui a fait le choix du renseignement et de la technologie contre le surarmement d’une armée algérienne aveugle, ne disposant même pas d’un satellite pour identifier les cibles stratégiques en cas de conflit armé.
Alors que l’Algérie se situe sur la période allant de 2016 à 2020 comme sixième importateur d’armes au monde, le Maroc, lui, se trouve à la 29e position mondiale, très loin, donc, derrière le régime militaire d’Alger.
Malgré l’écart des dépenses militaires entre les deux pays voisins, soit plus de 10 milliards de dollars annuels et plus de 6% du PIB pour l’Algérie contre moins de 4 milliards de dollars et quelque 3% du PIB pour le Maroc, la presse algérienne n’hésite pas à écrire que l’Algérie et le Maroc se sont accaparés 70% de dépenses militaires du continent africain (en dehors de l'Egypte, pays compté sur le Moyen-Orient) durant les cinq dernières années.
Même s’ils reconnaissent que «le Maroc a réduit de 60% ses achats d’armement depuis cinq ans», les médias du pouvoir algérien ont grignoté sur les prévisions du SIPRI pour tenter de gonfler le budget militaire du Maroc durant les cinq années écoulées. Au Maroc, «plusieurs livraisons d’équipements américains sont à venir (24 avions de combat F-16 Viper, 24 hélicoptères d’attaque AH-64E Apache, des chars Abrams)… Les importations d’armes du Maroc devraient augmenter considérablement au cours des cinq prochaines années, si ces commandes sont exécutées», précise, au conditionnel, le rapport du SIPRI.
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Pourtant, en Algérie, les dépenses militaires colossales étaient, jusqu’à hier encore, fièrement affichées, voire glorifiées, par la propagande du régime algérien comme ayant servi à mettre sur pied la plus «puissante armée du Maghreb et de l’Afrique». Une armée qui, pour justifier sa boulimie budgétivore, s’est toujours évertuée à créer des tensions factices avec ses voisins, et à maintenir la menace d’un terrorisme interne que cette armée surdouée a du mal à neutraliser, en dépit de ses dépenses, qui en font le sixième importateur d’armes au monde.
Cette fois-ci encore, au vu du contexte actuel de crise en Algérie, la désinformation a sciemment placé le Maroc au même niveau de dépense que son voisin de l’Est à la seule fin d’entretenir la tension entre les deux pays et de préparer ainsi l'opinion publique au maintien du budget colossal de l'armée. Et ce, à un moment où le pays fait face à une crise très grave et que les Algériens n'arrivent même plus à acheter des denrées alimentaires de première nécessité en raison de la flambée généralisée des prix. Nombre d’Algériens n’arrivent en effet plus à acheter des pâtes, de l’huile de table, de la sardine ou du poulet, alors que leur pays octroie annuellement plus de 10 milliards de dollars aux généraux.
Ces milliards de dollars sont dépensés, hors de tout contrôle, par des généraux véreux. Pour ne parler que des plus récents scandales, rendus publics grâce à la guerre entre les clans de l’armée, l’on peut rappeler le cas de l’ancien directeur des transmissions au ministère algérien de la Défense, le général Abdelkader Lechkham, qui aurait détourné, à lui seul, plus de deux milliards de dollars en faux achats de matériels électroniques et équipements de télécommunications. Il vient d’ailleurs de rejoindre en prison plusieurs autres généraux ripoux.
Autant de pratiques qui expliquent la détermination du Hirak à exiger l’indépendance du pays et l’instauration d'un «Etat civil et non militaire». Il est d’ailleurs très peu probable que la propagande de médias algériens puisse faire avaler la pilule du train de vie, désormais impossible, de l’armée des généraux. Les généraux sont acculés à une sévère diète.