En juillet dernier, Le360 avait mis en exergue, dans un article intitulé «Algérie: comment Abdelmadjid Tebboune met la fonction de chef de l’Etat au service de ses enfants», le rôle important que la petite famille du nouveau Président algérien (son épouse et ses cinq enfants) joue en matière de passe-droits et dans la prise de décisions à El Mouradia.
Cela s’est confirmé dès son élection en décembre 2019, quand son fils Khaled, à l’époque pensionnaire de la prison d’El Harrach pour son implication présumée dans l’affaire des 701 kg de cocaïne saisis au port d’Oran, est subitement traité en détenu de luxe, en prévision de son élargissement imminent. En janvier 2020, il a été libéré par la justice, qui a fait un rétropédalage historique, en considérant que le seul crime du fils du Président était d’avoir accepté "deux flacons de parfum" en guise de cadeau de la part du principal accusé dans cette affaire de trafic de drogue, "El Bouchi". Ce dernier a profité lui aussi de la clémence de la justice grâce à sa proximité avec Khaled Tebboune.
Ce dimanche, à l’issue du remaniement que le président algérien a opéré au sein du gouvernement, d’aucuns y ont vu le rôle déterminant des enfants du Président. L’une de ses filles, Maha Tebboune, a en effet pesé de tout son poids dans ce remaniement.
Comme l’écrivait Le360 en juillet dernier, "Maha a attiré l’attention du Président algérien sur l’abattement et la consternation qui se sont emparés de ses collègues, suite à la nomination de Ferhat Aït Ali à la tête du ministère de l’Industrie et des Mines. Elle s’est plainte à son papa de 'l’ambiance délétère' qui prévalait au sein de ce département, allant jusqu’à solliciter sa mutation au ministère des Relations avec le Parlement où l’ambiance serait plus 'sympa'".
Tebboune avait alors demandé à sa fille de rester à son poste, en attendant l’occasion de virer ledit ministre.
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Entre-temps, Ferhat Aït Ali a gagné des galons depuis le retour en grâce du général-major Mohamed Mediene. Ce dernier est le protecteur du puissant homme d’affaires Issad Rebrab pour qui a travaillé l’ancien ministre de l’Industrie, en le conseillant dans l’optimisation fiscale.
Farhat Aït Ali est même devenu un ministre très médiatisé avec l’octroi des licences pour l’importation de voitures neuves. Il faut savoir que l’Algérie a interdit l’importation de voitures pour impulser une industrie automobile locale qui s’est révélée être une grande supercherie, dans la mesure où les usines algériennes servaient simplement à boulonner quatre roues sur des voitures prêtes à rouler.
Le dossier de l’octroi des licences pour importer les voitures a été géré par le département de Aït Ali. Le nom de Rebrab a été fuité parmi la poignée de bénéficiaires des licences. Plusieurs voix se sont alors élevées pour dénoncer le favoritisme dont aurait bénéficié l’homme d’affaires de la part de son ancien collaborateur.
Plusieurs questions se posent suite au limogeage de Aït Ali. Issab Rebrad aurait-t-il perdu son influence, et partant son protecteur Mohamed Mediene aussi, dans la lutte sans merci que se livrent les divers clans dans la reconfiguration du pouvoir en Algérie? S’agit-il simplement d’une manœuvre pour effacer tout lien entre un ministre et un homme d’affaires, à qui l’octroi d’une licence par le successeur de Ferhat Aït Ali déchaînerait moins l’ire des réseaux sociaux? Dans l’une ou l’autre de ces hypothèses, Mohamed Mediene paraît incapable de reconquérir l’influence qu’il avait avant que le duo Saïd Bouteflika/Ahmed Gaïd Salah ne décident de lui couper les ailes et de le traîner dans la boue.
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Quoi qu’il en soit, finalement, Ferhat Aït Ali, blacklisté par Maha Tebboune, a été limogé ce 23 février. Ce n’était pas pourtant le nom le plus vilipendé dans le deuxième gouvernement Djerad.
Ce lundi matin, d’aucuns parmi les observateurs se demandent comment certains ministres aussi décriés, voire devenus gênants pour le pouvoir, ont été maintenus au sein du gouvernement.
Ils citent dans ce cadre, le cas du ministre des Finances, Aïmen Benabderrahmane, très contesté, non seulement à cause de la crise de liquidité dans un pays où les files d’attente devant les bureaux de poste sont devenues plus longues que celles des demandeurs d’emploi, mais également parce qu'il favoriserait une nouvelle explosion sociale en exigeant un grosse dévaluation du dinar, synonyme du renchérissement des prix de produits de large consommation.
Ils citent aussi le cas du ministre de la Justice, Belkacem Zaghmati, dont le département a récemment requis une condamnation à perpétuité à l’encontre du jeune hirakiste Walid Nekkiche, certainement pour cacher les scandaleux tortures et viols qu’il a subis dans les geôles de l’armée au sein du tristement célèbre centre de Ben Aknoun.
Si ces ministres, et bien tant d’autres, qui ne méritaient pas de rempiler aux yeux de l’opinion, ont été quand même maintenus en poste, cela signifie qu’ils ont soit reçu le coup de pouce d’un haut gradé de l’armée, soit ont eu recours au non moins efficace réseau des enfants du président Tebboune.