Les effets d’annonces, qu’il s’agisse de fausses prétentions de leadership algérien dans tel ou tel domaine, ou le lancement de projets jamais précédés d’études de faisabilité ni concrétisés, tels sont les ingrédients de la méthode de gouvernance du président algérien, Abdelmadjid Tebboune. Une gouvernance compulsive, des promesses oiseuses, des engagements sans suite sont les caractéristiques du pouvoir de Tebboune qui déconsidère la parole et la fonction présidentielles.
L’on se rappelle qu’entre ses deux hospitalisations en Allemagne, et durant sa présence forcée à Alger (entre le 29 décembre 2020 et le 10 janvier 2021) pour signer la loi de finances 2021, le président algérien avait ordonné au gouvernement Abdelaziz Djerad de «lancer la campagne de vaccination», et que cette opération devait «englober 80% de la population» à travers toutes les wilayas d’Algérie. Avant de demander à l’opérateur pharmaceutique étatique, SAIDAL, de «procéder immédiatement et sans délai à la mise en œuvre du projet de fabrication du vaccin russe anti-Covid-19, Spoutnik V»
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Le 31 janvier 2021, exécutant les instructions de Tebboune, alors en Allemagne, l’ex-Premier ministre algérien recevait l’ambassadeur russe à Alger, selon un communiqué de la primature, qui précisait que «les deux parties ont convenu d’initier des contacts entre les services compétents des deux pays dans le but d’instituer une coopération bilatérale dans le domaine de la fabrication du vaccin russe Spoutnik V en Algérie».
Le 18 février, soit 6 jours seulement après la fin de sa deuxième hospitalisation en Allemagne, Tebboune annonçait, dans un discours à la nation, que «le vaccin russe anti-Covid Spoutnik V sera fabriqué en Algérie dans 6 à 7 mois». Avant d’ajouter: «Il existe bien évidemment des sceptiques, mais nous avons convenu avec nos amis russes de fabriquer ce vaccin…, car la fabrication de vaccins en Algérie n'est pas chose nouvelle… C'est vrai qu'il s'agit d'un vaccin spécial, mais il existe différentes méthodes pour sa fabrication, soit par la matière brute ou autres».
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Dix jours plus tard, et à l’issue d’un Conseil des ministres tenu le dimanche 28 février, un communiqué de la présidence rapportait qu’«après avoir écouté un exposé présenté par le ministre de l'Industrie pharmaceutique sur la production locale du vaccin, M. Tebboune a ordonné la poursuite des contacts avec le partenaire russe pour faire aboutir le projet de production du vaccin Spoutnik V en Algérie, dans les plus brefs délais».
Et ces délais étaient d’autant plus brefs qu’un haut responsable du ministère algérien de l’Industrie pharmaceutique allait annoncer, deux jours après la relance de Tebboune sur la production de Spoutnik V, que «le projet sera implanté à Constantine et sa concrétisation pourrait survenir en deux mois… précisant que le ministère vise à atteindre une étape d'exportation aux pays voisins à un stade ultérieur». C’est du moins ce que rapporte une dépêche de l’APS du 2 mars 2021, sous le titre: «Production du Spoutnik V en Algérie: le projet est à sa phase finale».
Près de six mois après l’annonce dans la discours officiel par Tebboune de la production en Algérie du vaccin anti-Covid-19 «dans 6 à 7 mois», ce projet a été enterré dans un silence qui contraste cruellement avec les tambours battants de son annonce. Malgré son discours solennel et les exhortations multiples en direction de son gouvernement, le président algérien n’a finalement pas respecté ses engagements. En effet, l’Algérie n’a jusqu’ici vacciné, durant les six derniers mois, qu’un peu plus d’un million de ses citoyens, alors que la production tant vantée du vaccin semble être purement et simplement abandonnée. Même la deadline de septembre prochain que certaines rares voix continuent à avancer n’est plus de mise car le préalable du transfert de technologie russe afférente n’a même pas encore été ébauché.
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Les effets d’annonce, devenus la marque de fabrique de la junte au pouvoir, génèrent stupéfaction chez nombre de chancelleries étrangères, établies à Alger. Avec ses multiples tares, le pouvoir algérien avait toujours su garder un semblant de crédibilité. Désormais, c’est à un naufrage de gouvernance, à une exhibition de dégradation de la parole du chef de l’Etat que l’on assiste tous les jours.
Noureddine Boukrouh, ancien ministre et ex-collègue d’Abdelmadjid Tebboune, avait qualifié ce dernier de fou, en précisant que sa place se trouvait dans «un asile d’aliénés mentaux». Force est de reconnaître que compte tenu des propos oiseux, des paroles vaines et de son impuissance à se mettre au diapason de la fonction présidentielle, Tebboune est l’animateur en chef d’une scène politique, composée de bouffons.