Les propos sont sans ménagement, et c’est fidèle à son franc-parler que le très crédible Saïd Sadi les a tenus devant Middle East Eye, un portail d’informations à dimension panarabe, édité à la fois en français, en anglais et en arabe. C’est ainsi que le fondateur et ancien président du parti algérien Rassemblement culturel et démocratique prédit le pire des scénarii pour l’Algérie. L’Algérie où le représentant de l’ancien système et désormais homme fort du pays, le chef de l’armée Ahmed Gaïd Salah, se cramponne au pouvoir, malgré le nombre chaque semaine plus important des manifestations pour un changement radical de régime et le départ du général.
Pour Sadi, dans une contribution parue hier, mardi 9 juillet, sur ce portail réputé proche du pouvoir qatari, l’impasse n’a déjà que trop duré et l’Algérie s’achemine vers un scénario à la Libyenne. En Libye, « le gouvernement Saraj, soutenu par le Qatar et la Turquie, essaie de survivre à l’offensive du maréchal Haftar dopé par le trio Egypte, Arabie Saoudite, Emirats arabes», écrit-il. Le parallèle est tout trouvé, «pour l’heure, l’obligé turc algérien, en l’occurrence le parti islamiste MSP [Mouvement pour la société de paix, Ndlr], reste dans l’orbite de l’armée. Mais comme en Libye, la pression exercée par les Emirats, qui sous-traitent pour le grand frère saoudien avec la bienveillante attention du Caire, est grande».
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La preuve? Selon Saïd Sadi, «la plupart des dirigeants algériens redoutant des investigations ultérieures, ont placé leurs fortunes aux Emirats». Et l’interdiction du fanion berbère lors des manifestations n’est qu’une démonstration faite aux pays arabes «amis» qui veulent que Ahmed Gaïd Salah soit prêt à sévir.
Là encore, le général Gaïd Salah, désormais cible principale des manifestants, en prend pour son grade.
«En défaut d’alternative crédible, le général Gaïd Salah déclenche une tonitruante campagne contre la corruption où les arrestations d’oligarques cachent mal de grossiers règlements de comptes», explique Saïd Sadi.
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«Mis face à ses propres turpitudes, l’homme s’enfonce dans une répression qui n’épargne ni les jeunes manifestants ni les anciens maquisards, ni la presse. La dimension berbère, pourtant reconnue par la constitution, est diabolisée et les tournées hebdomadaires effectuées dans les régions militaires sont l’occasion de maintenir les troupes sous pression et de délivrer à l’endroit de l’opinion publique des prêches violents et décousus. Rejeté par la rue, le militaire essaie de faire vendre sa feuille de route par des factions islamo-conservatrices à travers la réunion programmée le 6 juillet. La démarche est vouée à l’échec», continue ce leader politique.
Aussi son verdict est sans appel: la place de Ahmed Gaïd Salah, c’est la prison. «Si les Algériens se réjouissent de l’emprisonnement de certains prédateurs, ils ne manquent pas une occasion de lui rappeler que sa place est à côté de ceux qu’il a embastillés», tranche-t-il, lapidaire. La messe est dite.