Mardi 18 janvier, le président algérien Abdelmadjid Tebboune s’est rendu au ministère de la Défense nationale pour annoncer, dans un discours prononcé devant un parterre de généraux, qu’une journée nationale a été instituée au profit de l’armée algérienne, et qu'elle sera célébrée le 4 août de chaque année.
«Dans un discours prononcé au siège du ministère de la Défense nationale (MDN) et retransmis par visioconférence à l'ensemble des commandements des forces, des régions militaires, des grandes unités et des écoles supérieures, le président de la République a annoncé sa décision d'instituer le 4 août Journée nationale de l'ANP», rapporte l’agence de presse officielle algérienne, APS.
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A première vue, cette décision semble surprenante, puisqu’elle vient faire de l’ombre à la journée historique du 1er novembre 1954, fête du déclenchement de la révolution algérienne par l’Armée de libération nationale, dont l’ANP ne cesse de marteler qu’elle est «la digne héritière».
En guise de justification à cette décision, Tebboune, également ministre de la Défense et chef suprême des armées, a déclaré que «des parties sont dérangées par la souveraineté de l'Algérie». Et d’ajouter: «nous continuerons, avec l'appui de notre armée nationale populaire, sur notre voie avec une volonté inébranlable pour permettre à l'Algérie d'occuper la place qui lui sied, sur les plans régional et international».
Mais à travers ce discours non programmé, voire surprise, il n’a pu s’empêcher de dévoiler le véritable message pour lequel il a été appelé à la rescousse. Celui de rendre un hommage appuyé à son chef d’état-major, Saïd Chengriha, plus que jamais sur la sellette, car éclaboussé par de récentes accusations de trafic de drogue, d’armes et de régionalisme, proférées par un témoin de premier rang, Guermit Bounouira, l’ancien secrétaire particulier du défunt général Gaid Salah (chef de l’armée de 2004 à 2019).
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Après avoir commencé son discours par un «Monsieur le chef d’état-major de l’armée nationale populaire, Monsieur le chef de la garde républicaine, Monsieur le secrétaire général du MDN…, le président Tebboune a félicité le général de corps d'armée, Saïd Chengriha, chef d'état-major de l'ANP pour les réalisations accomplies à la tête de l'armée, saluant les efforts consentis pour préserver l'état prêt de l'ANP en toutes circonstances», selon les propos rapportés par l’APS.
Plusieurs observateurs de la chose politico-militaire algérienne n’ont pas manqué de signaler la présence au MDN du général Benali Benali, le plus vieux général encore en exercice au monde (plus de 90 ans), et qui garde la main sur la puissante garde républicaine relevant de la présidence de la République. Cette présence a pour objectif d’afficher l’image d’une armée unifiée, alors que les purges et les luttes intestines décapitent chaque semaine l’ANP de ses commandants. Le limogeage et l’arrestation du général-major Mohamed Kaidi passent d’ailleurs très mal auprès de nombreux officiers supérieurs.
Si mot d’ordre a été donné aux médias algériens de pas dire un seul mot sur les révélations de Guermit Bounouira, il en est bien autrement des réseaux sociaux où ce sujet est abondamment commenté. Ce qui ne plaît guère à la junte. Et le président algérien ne s’est pas gêné pour le dire sans ambages. «Le commentaire politique et la liberté d'expression étaient garantis, mais dans le cadre du respect, car ceux-ci n'ont aucune relation avec l'invective, la diffusion de mensonges et les tentatives visant à faire plier l'Etat au moyen de méthodes tordues», a ainsi déclaré Tebboune. Et de conclure : «Je ne cesserai de le répéter... Aucune démocratie n'est envisageable dans un Etat faible, une faiblesse qui favorise l'anarchie et les concessions sur les principes». Ce qui augure de jours très sombres pour les Algériens qui s’expriment sur les réseaux sociaux.
Il est très peu probable que l’institution d’une journée, dédiée à l’armée, puisse sauver le soldat Chengriha. A la fois impopulaire et illégitime, le président Tebboune n’a aucun crédit pour redorer le blason d’une armée, exsangue par d’interminables luttes claniques, et qui considère le chef de l’Etat comme un figurant.