Lors de la dernière rencontre à Alger entre gouvernement et walis des régions tenue le 12 août courant, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a eu beaucoup de peine à cacher que la situation sanitaire du pays, entre autres crises profondes, est loin d’être reluisante.
En annonçant l’absence lors de ladite réunion de quatre walis à cause de leur infection confirmée au coronavirus, le président Tebboune a donné, malgré lui, une première idée de l’ampleur des contaminations au Covid-19 en Algérie.
En effet, quand des walis, chargés d’appliquer les mesures de sécurité sanitaire avec toute la rigueur qui s’impose, ont été contaminés, on peut aisément imaginer l’étendue des contaminations dans la région relevant de leur autorité. Il existe 48 walis en Algérie; quatre d’entre eux ont été contraints de s’absenter en raison de leur contamination au nouveau coronavirus, nous apprend le président algérien. Avec un taux de prévalence de 8,4% de la maladie dans ce corps qui dirige les 48 wilayas, on se retrouve face à un ratio très élevé de contaminations quand ce taux est rapporté à tout le pays.
D’ailleurs, en appelant les gouverneurs présents à ladite réunion à ne pas hésiter à prendre des mesures draconiennes, voire à reconfiner immédiatement les populations relevant de leur compétence territoriale en cas d’explosion des contaminations au Covid-19, le président algérien laisse ainsi entendre que la situation sanitaire est loin d’être sous contrôle.
Mais, paradoxalement, et dans le seul but de redorer son image, écornée tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, le régime algérien s’évertue, face aux critiques pour sa mauvaise gestion de la crise sanitaire, à fournir quotidiennement des chiffres bien en deçà de l’évolution exacte de la pandémie en Algérie.
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Dès le début du mois de juin dernier, au moment où il apparut clairement que les autorités algériennes «manipulaient» les chiffres du nombre de contaminations quotidiennes, la presse locale était unanime à tirer la sonnette d’alarme. «Covid-19 en Algérie: voilà pourquoi les chiffres des autorités algériennes sont faux et trompeurs», titrait Algériepartplus, le 10 juin dernier. Ce média explique que «le ministère de la Santé algérien a préféré recourir à l’usage du scanner thoracique pour remédier à la pénurie cruelle des tests de dépistage PCR en Algérie… Un choix charlatanesque et irrationnel puisque les cas contaminés ne présentant pas de détresse respiratoire ou de syndromes respiratoires ne seront pas détectés par des scanners thoraciques.»
L’Algérie observe une omerta sur le nombre de tests quotidiens, qu’ils soient PCR ou sérologiques. Fin mai, le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, annonçait fièrement que le nombre de tests de dépistage réalisés en Algérie a dépassé la barre de 7000 depuis le recensement du premier cas positif au Covid-19. Quelques jours auparavant, un autre officiel annonçait l’exploit de 400 tests PCR par jour. Mais ces chiffres restaient très bas en comparaison avec d’autres pays africains, y compris parmi les plus pauvres du continent. Ce qui a probablement poussé le régime à décréter, depuis fin mai, la loi du silence sur le nombre de dépistages.
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La manipulation des chiffres par le régime algérien a été pointée du doigt par Matshido Rebecca Moeti, directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Afrique du Nord, qui a ouvertement remis en cause, la «fausse baisse» des cas de contamination au Covid-19 à travers les données trompeuses fournies par les autorités sanitaires algériennes. L’OMS, quitte à déclencher une passe d’armes verbale avec le président Tebboune, a même qualifié l’Algérie de pays à haut risque d’accélération constante du nombre des personnes contaminées par le Covid-19.
Pour sa part, l’Europe, qui a brièvement ouvert ses frontières à l’Algérie sur la foi de faux chiffres présentés par ce pays, s’est rapidement ravisée en blacklistant ce pays, puisque dès l’arrivée des premiers binationaux algériens rapatriés en France, un grand nombre d’entre eux ont été testés positifs à l’aéroport même.
Cette façon de jongler avec les chiffres trompeurs de la pandémie, sans le moindre souci de mettre en danger la vie de ses propres citoyens et ceux d’Etats tiers, est une méthode typiquement algérienne. Ce régime centralisé, sans véritable société civile, bidouille, à la guise de ses oligarques, les chiffres comme au temps de l’apogée du stalinisme.
Même en volant avec grandiloquence au secours de la capitale libanaise, dévastée début août par une explosion destructrice, la «solidarité» algérienne a rapidement rappelé le degré de propagation du virus en Algérie. En cause, le personnel médical envoyé à Beyrouth comptait des cas de contamination au Covid-19. Ce qui a motivé le rapatriement express de l’équipe algérienne envoyée au Liban.