Dans une zone boisée de Castille-et-León (nord), un bataillon de l’Unité militaire d’urgence (UME) élargit un pare-feu, une langue de terre sans végétation destinée à stopper la propagation des flammes.
«Nous sommes en train de l’agrandir pour que, quand l’incendie arrive, il n’y ait plus de combustible» végétal, explique à l’AFP son capitaine, Adrián Vives, vêtu comme ses camarades d’un uniforme rouge barré de bandes fluorescentes.
Cette entité militaire, formée pour faire face aux situations d’urgence extrême, intervient régulièrement aux côtés des pompiers pour combattre les incendies les plus voraces ou dangereux pour la population.
«Nous finissons actuellement de préparer les unités» pour la saison des feux, qui s’étend habituellement de juin à fin septembre, ajoute le capitaine, basé en Castille-et-León, région rurale et boisée particulièrement affectée chaque été par les incendies.
En 2022, près de 500 incendies ont dévoré plus de 300.000 hectares en Espagne, un record en Europe, selon le système européen d’information sur les feux de forêt (Effis).
Et cette année s’annonce tout aussi risquée pour ce pays touché de plein fouet par le changement climatique: le printemps qui s’achève a été le plus chaud jamais enregistré et le deuxième le plus sec, selon l’agence météorologique espagnole.
Changement climatique = risques accrus
Lors des exercices, Adrián Vives constate que les vagues de chaleur et le manque de précipitations ont asséché la végétation, la rendant particulièrement «combustible» et donc propice au développement d’incendies de «grande intensité».
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«Le changement climatique aggrave les risques» de propagation des incendies, rappelle le directeur général de la Protection Civile espagnole, Leonardo Marcos.
Selon lui, il faudrait même éviter de parler de «saison des feux» pour ne pas baisser la garde face à des incendies qui se déclarent de plus en plus tôt, à l’image de celui qui a englouti près de 5.000 hectares de la province orientale de Castellón en mars dernier.
La prévention devrait se faire «toute l’année», ajoute-t-il depuis le Centre national de suivi et de coordination des urgences, basé à Madrid.
Un mur entier de la salle de contrôle de ce bâtiment est occupé par des écrans montrant «en temps réel» la situation du pays, de sa météo à l’état de ses routes en passant par les incendies.
C’est ici «qu’appellent les centres d’urgence» des différentes régions mais aussi «d’autres pays» quand ils ont besoin d’aide, ajoute Leonardo Marcos, nommé cette semaine directeur de la Garde Civile, équivalent de la gendarmerie en Espagne.
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Dans ce pays très décentralisé, les régions, qui disposent chacune d’un corps de pompiers, peuvent, en cas de besoin, demander l’aide des autorités nationales pour mobiliser des moyens supplémentaires comme des avions bombardiers d’eau ou l’intervention de l’Unité militaire d’urgence.
Manque de coordination
Bien que l’Espagne soit équipée de l’un des dispositifs de lutte contre les incendies «les plus développés d’Europe», selon Leonardo Marcos, les pompiers sur le terrain dénoncent régulièrement des déficiences, principalement en matière de coordination entre les différentes administrations.
Les incendies se propageant de plus en plus sur d’immenses territoires à travers le pays, «le manque de réglementation» à l’échelle nationale fait «parfois que nous n’avons même pas les mêmes systèmes de communication entre nous pour pouvoir agir, ce qui rend notre tâche beaucoup plus difficile», affirme Israel Naveso, pompier de la région de Madrid et responsable de la Coordination unie des pompiers professionnels.
Depuis des années, cette organisation, qui revendique le rang de première du pays en nombre de pompiers, et d’autres réclament une réglementation commune car le système actuel entraîne d’énormes disparités en matière d’allocations de budget, d’effectifs, d’entraînement et d’équipements selon les régions.
«Il n’y a pas de loi qui oblige nos responsables politiques à acheter les mêmes talkies-walkies» aux différents corps de pompiers, se désole Israel Naveso.