Le général Saïd Chengriha vient de démontrer que son titre de chef d’état-major de l’armée lui confère la faculté d’usurper la fonction de ministre de la Défense, un poste constitutionnellement, et en principe, dévolu au président de la République.
En effet, après l’explosion d’une «bombe artisanale», ce 14 janvier dans la wilaya de Tébessa, faisant cinq morts et trois blessés, c’est le ministère de la Défense qui a donné en premier l’information de ce qui semble être un acte terroriste, mais en prenant bien soin de ne pas le qualifier ainsi. Une omission d’autant plus mystérieuse que la présentation, dans le même communiqué du ministère de la Défense, des condoléances personnelles de Saïd Chengriha sont si maladroites qu’elles peuvent laisser croire que cette explosion meurtrière relève d’une «bavure» de l’armée algérienne.
A aucun moment, ce général, censé être le plus informé du pays, n’a indiqué qui est à l'origine de ce quasi-carnage. Il enfonce même le clou de la confusion en maniant un langage allusif, appelant ainsi «les citoyens à plus de vigilance et à éviter les déplacements dans les passages suspects, connus par les habitants de la région»!
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Pis encore, dans ce même communiqué du ministère de la Défense, aucune mention n’a été faite non plus au patron de ce département, qui n’est autre que le chef de l’Etat et le chef suprême des armées, Abdelmadjid Tebboune.
Un coup fourré que le premier concerné, ou encore son entourage, a vite fait de déceler. Car il a fallu juste attendre une heure et demie après la diffusion du communiqué du ministère de la Défense, pour qu’une dépêche de l’agence de presse algérienne, l'APS, tombe, annonçant que le président Tebboune, qui a de nouveau choisi Twitter pour communiquer, a présenté ses condoléances aux familles des victimes.
«L'explosion d'une bombe de confection artisanale placée par les mains de la traîtrise qui a coûté la vie à cinq de nos concitoyens dans la région de Telidjane, dans la wilaya de Tébessa, est un acte lâche et barbare», écrit Tebboune sur le réseau social. Les «mains de la traîtrise»?
Pour accorder les violons entre le président et son chef d’état-major, la télévision publique algérienne, ENTV, dans son journal télévisé de la soirée du jeudi, a parlé sans équivoque de «groupes terroristes» qui seraient à l'origine de l’explosion meurtrière de Tébessa.
Mais bref, quels que soient les dessous de la course à informer entre l’armée et le président Tebboune, il faut souligner que les opérations terroristes sont devenues une actualité quasi-quotidienne en Algérie.
Depuis la maladie de Abdelmadjid Tebboune, actuellement de nouveau soigné en Allemagne, Saïd Chengriha a fait de la lutte contre le terrorisme son cheval de bataille politique. Lors de la première absence de Tebboune, il a initié plusieurs réunions avec les hauts gradés de l’armée, ce qu’il vient d’ailleurs de rééditer juste après que le président algérien soit reparti dans cette même Allemagne, pour une mystérieuse et «banale» opération chirurgicale.
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Il convient de rappeler que le chef d’état-major se trouvait également, le 3 janvier dernier, dans les forêts de Tipaza où un groupe de 6 terroristes venait d’être abattu par des unités de l’armée, qui a perdu à son tour trois hommes dans ces «combats».
Lors de la première quinzaine de décembre, plusieurs opérations contre des terroristes ont été annoncées par l’armée, qui a également exhibé une cagnotte de 80.000 euros, qu’elle a présentée aux médias comme une partie de la rançon versée il y a quelques semaines à un groupuscule terroriste opérant au Sahel. Une façon de dire que l’Algérie est toujours dans l’œil du cyclone terroriste, et d’agiter comme un épouvantail le spectre de la sanglante «décennie noire» (qui aura duré de 1992 à 2002), avec son long cortège de près de 200.000 morts.
Mais que cache donc cette recrudescence des opérations terroristes? Les gérontocrates à la tête du régime algérien prennent des décisions conformément à une grille de lecture non évolutive. Ils savent déjà fort bien que le peuple algérien, qui a fortement souffert de la décennie noire, accepterait tout sauf un retour de la terreur. Pour le moment, les opérations terroristes épargnent les grandes agglomérations urbaines, mais pour combien de temps encore?
Le Covid-19 a mis un terme à la dynamique du Hirak, empêchant le peuple de manifester dans la rue. Maintenant que l’après-Covid se dessine avec le vaccin, il faut un autre épouvantail pour obliger les gens de rester chez eux. Serait-ce le terrorisme?