Un an plus tard, la famille Abdeslam habite toujours un bel immeuble de la place communale, à deux pas du canal qui sépare Molenbeek, 100.000 habitants, du coeur historique de la capitale belge.
Mais des quatre fils Abdeslam, deux manquent à l'appel. Brahim s'est fait exploser dans un café parisien le soir du 13 novembre, tandis que son frère Salah, seul rescapé des commandos, attend son procès dans une cellule de la prison de Fleury-Mérogis, au sud de Paris.
Mohamed Abrini, dit "l'homme au chapeau", impliqué dans les attentats de Paris (130 morts) et de Bruxelles le 22 mars (32 morts), occupait un appartement à 50 mètres de cette même grande place de Molenbeek.
L'organisateur présumé des attaques parisiennes, Abdelhamid Abaaoud, figure charismatique de l'organisation de Daech, était lui aussi un enfant de Molenbeek. Il est mort dans l'assaut des policiers du RAID à Saint-Denis, près de Paris, le 18 novembre.
Critiquées de toutes parts, les autorités belges ont réagi en mettant en place un plan de lutte contre la radicalisation et le terrorisme, baptisé "Plan Canal" car les communes les plus touchées par la radicalisation islamiste longent l'étroite voie d'eau qui marque la frontière symbolique entre le sud de Bruxelles, plus riche, et sa partie nord, où vit une importante communauté musulmane originaire principalement du Maroc.
A Molenbeek, le "Plan Canal" s'est traduit par le déploiement de 50 policiers supplémentaires et la fermeture d'une centaine de lieux -- mosquées clandestines, associations, cafés -- considérés comme liés au radicalisme islamiste.
"Nous avons identifié 57 individus menaçant l'Etat" qui sont désormais dans le collimateur des services de renseignement, détaillait récemment le ministre de l'Intérieur, Jan Jambon, qui avait promis de "nettoyer Molenbeek".
"L'important, c'est véritablement d'assécher le terreau de la délinquance, qui a un lien avec le radicalisme", explique à l'AFP, la bourgmestre (maire) Françoise Schepmans, en assurant avoir reçu le soutien d'une majorité de ses concitoyens.
De nombreux Molenbeekois affirment toutefois continuer à pâtir de la mauvaise réputation née le 13 novembre.
"Même en France, quand tu dis "Molenbeek", pour eux c'est terroriste... Ca me fait mal pour toute la Belgique", explique l'un d'eux, Kamel.
"Question travail, question logement, si vous dites que vous venez de Molenbeek, on vous répond qu'on va vous retéléphoner... Et on ne vous retéléphone pas", assure Abdel, qui dit se sentir sur une "liste noire".
Mais ce coup de projecteur dévastateur a aussi eu, paradoxalement, des retombées positives, soutient Ibrahim Ouassari, cofondateur de "Molen-Geek", un collectif qui accueille de jeunes porteurs de projets liés aux nouvelles technologies.
"Ca a attiré l'attention de beaucoup d'acteurs qui voulaient s'impliquer dans des initiatives intéressantes", souligne le jeune homme, qui cite parmi ses nouveaux "sponsors" le nom de plusieurs géants américains de l'informatique.
Après plusieurs déplacements dans le nord de la Belgique et à Paris, le "Conseil des jeunes" de Molenbeek continue de son côté à se mobiliser pour redorer l'image de la commune.
Ces derniers jours, ils collectent les messages que la jeunesse molenbeekoise, qui se sent "cataloguée", souhaite "envoyer aux Parisiens", témoigne Hicham Nasi, l'employé municipal qui encadre ce groupe d'une quinzaine de garçons et filles. Ils devraient être prochainement reçus par Anne Hidalgo, la maire de Paris.
Molenbeek, cette vaste commune aux quartiers diversifiés et aux espaces verts, qui compte quelque 1.500 associations, mise aussi sur son dynamisme et sur la culture pour tordre le cou aux préjugés.
En six mois, 30.000 personnes ont franchi le canal pour visiter le Millenium Iconoclast Museum of Art (MIMA), musée privé consacré aux arts de la rue inauguré en avril dans une ancienne brasserie."Je vous donne rendez-vous dans un an pour vous raconter notre histoire", qui sera "peut-être une autre histoire" que celle qui colle encore à la peau de Molenbeek, lance le créateur du MIMA, Michel de Launoit.