Le ton est sec, le message direct et l’enseignement clair: face au Hirak, le mouvement populaire algérien contre le régime militaire, le seul mot d’ordre sera la répression. Dans un discours prononcé ce mardi 2 juin au siège du ministère algérien de la Défense et devant un parterre composé de généraux et de cadres de l’ANP (Armée nationale populaire), le président Abdelmadjid Tebboune l’a clairement signifié. En s’en prenant aux «haineux», «envieux» et «ceux qui se cachent derrière des lobbies», il a ainsi promis d’attaquer. A ces lobbies, «connus depuis le berceau, connus pour leurs ramifications et leurs instruments», il a déclaré: «nous ferons face».
Le président algérien, également chef de l’armée et ministre de la Défense, va plus loin en tentant de remonter l’armée contre peuple. «Il n'est pas étonnant qu'ils (les manifestants, Ndlr) s'acharnent dans leurs campagnes hystériques pour attenter à votre moral, car ils sont incapables de retenir les leçons du passé». Et d’oser, une phrase plus loin, un rapprochement pour le moins improbable: celui que l’armée et le peuple soient «des frères» (Djeich Chaab khawa khawa). Un slogan brandi au tout début du Hirak, avant qu’il ne soit vite remplacé par «un Etat civil, non militaire» et «généraux à la poubelle, l’Algérie aura son indépendance».
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Par lobbies, Tebboune entend également cette «main de l’étranger» sortie régulièrement comme un épouvantail censé effrayer l’opinion publique. Là encore, le président algérien choisit d’être intraitable. Le souvenir de la diffusion, mardi 26 mai dernier, du documentaire «Algérie, mon amour», sur France 5, et la rediffusion d’«Algérie, les promesses de l’aube», par la chaîne parlementaire française LCP est encore vif dans l’esprit du président algérien. En témoigne la violence de la réaction du régime algérien qui est allé jusqu’à rappeler son ambassadeur à Paris, Salah Lebdioui.
«L’Algérie a décidé de rappeler immédiatement en consultation son ambassadeur en France», a annoncé, dès le lendemain de la diffusion, mercredi 27 mai, dans la soirée, un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. Ceci, en guise de protestation contre «des attaques contre le peuple algérien et ses institutions, dont l'ANP (l’Armée nationale populaire, Ndlr) et sa composante, la digne héritière de l’Armée de libération nationale (ALN)».
Autant dire que cette armée est désormais une ligne rouge que les Algériens ne pourront plus nommer dans la rue. Le président algérien vient de le signifier sur un ton martial qui laisse supposer que le régime se prépare à réprimer dans le sang le peuple algérien.