La révolution technologique en cours suscite espoirs, convoitises mais aussi craintes qui seront au coeur du premier sommet mondial sur les risques que fait peser l’intelligence artificielle, qui se tient au manoir de Bletchley Park, l’emblématique centre de décryptage des codes de la Seconde guerre mondiale situé dans le centre de l’Angleterre.
Pour la première journée, les participants débattront des dangers potentiels des IA d’avant-garde, comme le robot conversationnel ChatGPT.
Des représentants politiques de haut niveau sont ensuite attendus jeudi, comme la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, la vice-présidente américaine Kamala Harris, ou la Première ministre italienne Giorgia Meloni -seule cheffe d’Etat du G7 à faire le déplacement. Malgré les tensions et les craintes d’espionnage industriel, la Chine sera également représentée, sans que l’on sache exactement à quel niveau.
Des entrepreneurs stars de la Silicon Valley comme Sam Altman et Elon Musk, qui ont cofondé OpenAI, la start-up à l’origine de ChatGPT, devraient également prendre part à la réunion. Le milliardaire américain à la tête du réseau social X (ex-Twitter) avait réclamé en mars une «pause» dans la recherche sur les IA les plus avancées, comme ChatGPT4, avec des centaines d’autres experts mondiaux. Il échangera avec le Premier ministre britannique Rishi Sunak à l’issue du sommet.
Une coopération internationale
À défaut de politiques communes, le Royaume-Uni veut se poser en moteur d’une coopération internationale sur ce sujet qui bouleverse la planète, au point que l’IA soit déclarée mercredi mot de l’année par le dictionnaire britannique Collins.
Le gouvernement britannique espère aboutir, a minima, à une «première déclaration internationale sur la nature» des risques de l’IA. Il propose également de créer un groupe d’experts sur l’IA sur le modèle du Giec pour le climat.
Les IA génératives, capables de produire du texte, des sons ou des images sur simple requête en une poignée de secondes, ont fait des progrès fulgurants ces dernières années et les prochaines générations de ces modèles devraient déjà faire leur apparition dans les prochains mois.
Elles suscitent d’immenses espoirs pour la médecine ou l’éducation, mais pourraient aussi faire peser une «menace existentielle» en déstabilisant les sociétés, permettant de fabriquer des armes ou en échappant au contrôle des humains, a prévenu le gouvernement britannique dans un rapport publié jeudi.
«Les risques posés par l’IA avancée sont sérieux», a averti dans un communiqué la ministre britannique de la Technologie Michelle Donelan, qui doit ouvrir la réunion de Bletchley Park. «Ce sommet nous donne l’occasion de nous assurer que nous avons les bonnes personnes avec la bonne expertise réunies autour de la table pour discuter de la façon dont nous pouvons atténuer ces risques à l’avenir».
Tout l’enjeu est d’arriver à définir des garde-fous sans entraver l’innovation pour les laboratoires d’IA et géants de la tech. L’Union européenne et les États-Unis ont choisi la voie de la réglementation, Joe Biden annonçant lundi des règles et principes ambitionnant de «montrer la voie» à l’échelle internationale.
Sans la société civile
La semaine dernière, plusieurs entreprises comme OpenAI, Meta (Facebook) ou DeepMind (Google) ont accepté de rendre publiques certaines de leurs règles de sécurité sur l’IA à la demande du Royaume-Uni.
Dans une lettre ouverte adressée à Rishi Sunak, une centaine d’organisations, experts et militants internationaux ont déploré que ce sommet se tienne à «huis clos», dominé par les géants de la tech et avec un accès limité pour la société civile.
«Nous devons cesser de penser que les entreprises privées à but lucratif sont les seuls propriétaires possibles et légitimes des systèmes d’IA, qui transforment nos vies et nos méthodes de travail», a défendu Sasha Costanza-Chock, professeure associée au Berkman Klein Center de l’université de Harvard, lors d’une conférence de presse.