Bangladesh: les étudiants protestataires souhaitent voir le Nobel de la paix Yunus diriger le gouvernement intérimaire

Une vue aérienne montre des manifestants anti-gouvernementaux prenant d'assaut le palais de la Première ministre Sheikh Hasina à Dhaka, capitale du Bangladesh, le 5 août 2024. AFP or licensors

Le chef de file du principal mouvement protestataire au Bangladesh a souhaité voir le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus diriger le gouvernement intérimaire, au lendemain de la fuite à l’étranger de la Première ministre et de la prise de contrôle du pays par l’armée.

Le 06/08/2024 à 07h47

«Nous avons décidé que le gouvernement intérimaire serait formé» avec, en tant que «conseiller principal», c’est-à-dire chef de celui-ci, «le lauréat du prix Nobel, le Dr Muhammad Yunus, qui jouit d’une renommée internationale et est largement reconnu», a déclaré dans une vidéo Nahid Islam, chef de file du collectif Students Against Discrimination (Étudiants contre la discrimination).

Ce collectif est le principal mouvement à l’origine des manifestations au Bangladesh contre les quotas d’embauche dans l’administration, manifestations qui ont fait 409 morts depuis début juillet, et conduit à la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina, 76 ans, à bord d’un hélicoptère le lundi 5 août.

Muhammad Yunus, âgé de 84 ans, est connu pour sa banque de microfinance, pionnière en la matière. Mais il s’est attiré l’inimitié persistante de Sheikh Hasina, qui l’accusait de «sucer le sang» des pauvres. Il se trouve actuellement en Europe et l’un de ses proches collaborateurs a déclaré qu’il n’avait reçu aucune proposition de l’armée pour diriger le gouvernement intérimaire.

Le chef de l’armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman, qui doit rencontrer ce mardi les dirigeants du mouvement étudiant, a annoncé la formation prochaine d’un gouvernement intérimaire. «Je vous donne ma parole que toutes les injustices seront réparées», a-t-il déclaré dans une allocution télévisée, précisant que l’armée serait chargée de diriger un gouvernement intérimaire.

Très vite, le chef de l’ONU et les puissances occidentales ont appelé à une «transition démocratique» dans ce pays d’Asie du Sud de 170 millions d’habitants.

La capitale a connu lundi des scènes de chaos et la police a fait état d’au moins 66 morts quand la foule a appelé à s’en prendre aux alliés de l’ex-Première ministre. Revenue au pouvoir en 2009, Sheikh Hasina avait remporté en janvier un cinquième mandat à l’issue d’une élection sans véritable opposition.

Les manifestants ont envahi lundi le parlement, incendié des chaînes de télévision pro-gouvernementales et les bureaux de la Ligue Awami, le parti de Sheikh Hasina, ont été incendiés et pillés à travers le pays, ont indiqué des témoins à l’AFP. De telles scènes étaient inenvisageables quelques heures auparavant, lorsque Sheikh Hasina avait le soutien des forces de l’ordre sous son emprise autocratique.

Les manifestations avaient commencé début juillet après la réintroduction d’un régime réservant près d’un tiers des emplois au sein de l’administration aux descendants d’anciens combattants de la guerre d’indépendance. Le mouvement s’est intensifié au fil des jours, conduisant à des appels plus larges à la démission de Sheikh Hasina.

«Territoire inconnu»

Le président du Bangladesh, Mohammed Shahabuddin, a ordonné lundi en fin de journée la libération des personnes arrêtées lors des manifestations et de l’ex-Première ministre et cheffe de l’opposition Khaleda Zia, 78 ans. Grande rivale de Sheikh Hasina, la cheffe du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) est hospitalisée depuis qu’elle a été condamnée à 17 ans de prison pour corruption en 2018.

Le président et le chef de l’armée se sont rencontrés lundi en fin de journée, en présence des principaux dirigeants de l’opposition. Le service de presse du président a déclaré qu’il avait été «décidé de former immédiatement un gouvernement intérimaire».

Sheikh Hasina a atterri dans une base militaire près de New Delhi, selon la presse indienne, mais une source de haut niveau a affirmé qu’elle ne faisait que «transiter» par le pays et qu’elle se rendrait ensuite à Londres. Mais l’appel du gouvernement britannique à une enquête de l’ONU sur des «niveaux de violence sans précédents» ont mis en doute cette destination.

Michael Kugelman, directeur de l’Institut de l’Asie du Sud au Wilson Center, basé à Washington, a prévenu que le départ de Sheikh Hasina «laisserait un vide important» et que le pays se trouvait en «territoire inconnu». «Les jours à venir sont critiques», a-t-il déclaré.

Par Le360 (avec AFP)
Le 06/08/2024 à 07h47