Il y a quelques jours, Leonidios Kostrikis, chef du laboratoire de biotechnologie et de virologie moléculaire et professeur à l’université de Chypre, a affirmé avoir découvert un nouveau variant et l’avoir baptisé «Deltacron ».
«Il existe actuellement des co-infections Omicron et Delta, et nous avons trouvé cette souche qui est une combinaison des deux», affirme ainsi le scientifique sur la chaîne privée chypriote Sigma TV. Ce nouveau variant présenterait selon lui «la signature génétique d'Omicron et les génomes de Delta».
Cette combinaison des variants Delta et Omicron aurait été détectée chez 25 cas identifiés, parmi lesquels onze sont hospitalisés. Sa fréquence des mutations, serait «plus importante parmi les patients qui sont à l'hôpital, ce qui peut conduire à penser qu'il y a une corrélation entre Deltacron et les hospitalisations», selon l’universitaire qui conclut en déclarant, «on verra à l'avenir si cette souche est plus pathologique ou plus contagieuse ou si elle prévaudra».
Une erreur de laboratoire?Toutefois, cette découverte suscite de nombreux doutes au sein de la communauté scientifique car si une combinaison de deux variants pour donner naissance à un troisième variant est certes possible, il n’en demeure pas moins que les analyses du Deltacron publiées le 7 janvier par le biologiste chypriote sur une plateforme internationale de partage de données ne convainquent pas. Ainsi, certains scientifiques jugent que ces analyses ne démontrent pas une combinaison de deux variants, mais résultent d’une contamination accidentelle en laboratoire.
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C'est le cas de Bruno Lina, membre du Conseil scientifique en France qui juge, au micro de la radio Europe 1, que «l’hypothèse d’avoir à faire à un variant recombinant est nulle», car de son avis, il n'y a pas de variant, mais une contamination accidentelle. «Aujourd'hui, la plupart des laboratoires séquencent à la fois Omicron et Delta. Et comme on fait plusieurs centaines de patients en parallèle, on peut avoir à un moment donné, lorsqu'on manipule ces échantillons, le risque d'avoir un petit peu de virus d'un patient qui passe dans la cupule d'un autre», explique-t-il ainsi. Et à l'en croire, cette situation serait même «assez fréquente». Autrement dit, les résultats des tests réalisés sur les 25 personnes contaminées pourraient avoir été faussés par cette mauvaise manipulation lors de leur séquençage en laboratoire.
Ce point de vue est également corroboré par le virologue anglais à l’Imperial College, Tom Peacock, qui juge que «les séquences chypriotes Deltacron dont parlent plusieurs grands médias semblent être assez clairement une contamination, elles ne se regroupent pas sur un arbre phylogénétique».
Par ailleurs, écrit-il sur Twitter, la naissance d’un troisième variant, issu en l’occurrence de Delta et Omicron, ne serait possible que si ces deux derniers circulaient en même temps depuis plusieurs mois, chose qui n’est pas le cas, tout du moins à Chypre.
Faut-il s'en inquiéter?Mais à Chypre, Leonidios Kostrikis ne l’entend pas de cette oreille et réfute cette thèse qui prône l’erreur technique dans un courriel adressé à l’agence de presse Bloomberg. Selon lui, «les cas de Deltacron [identifiés] indiquent une pression évolutive sur une souche ancestrale pour acquérir ces mutations et non le résultat d'un seul évènement de recombinaison» et d'ailleurs affirme-t-il, «Deltacron aurait également été retrouvé en Israël».
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Pour le professeur Christian Bréchot, virologue, président du Global Virus Network et ancien directeur de l'Inserm et de l'institut Pasteur, «si cette annonce a été accueillie, dans un premier temps avec beaucoup de scepticisme sinon de prudence, l'équipe chypriote a confirmé ses résultats et il n'y a pas de raison de douter de la qualité de leur travail», rapporte France 24.
In fine, si le Deltacron existait bel et bien, resterait à déterminer son risque réel. Et sur ce dernier point, la communauté scientifique est unanime, il est encore trop tôt pour déterminer sa potentielle contagiosité et sa sévérité.