Depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison blanche en janvier 2021, les rapports américains sur la situation des droits de l’homme en Algérie se multiplient et se ressemblent. Après le rapport annuel sur la situation mondiale des droits humains, paru le 30 mars dernier, et qui couvre la période du 1er janvier au 31 décembre 2020, un nouveau rapport sur l’Algérie est sorti jeudi 1er juillet courant, spécifiquement dédié à «la traite des êtres humains au titre de l’année 2020».
Comme pour les années précédentes, l’Algérie y est classée en queue du peloton mondial (Niveau 3) et accusée à nouveau d’être un pays qui ne respecte pas «les normes minimales de la Loi sur la protection des victimes de la traite des êtres humains (TVPA) et ne fait pas d'efforts significatifs pour y parvenir».
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Il faut signaler ici que depuis 2017, et l’éclatement au grand jour de nombreux scandales de racisme et de traitements inhumains en Algérie, dont les victimes sont des milliers de Subsahariens, la situation de ces derniers fait l’objet d’un rapport périodique de la part du Département d’Etat américain.
Ce dernier constate que durant l’année 2020, malgré les engagements pris par les autorités algériennes, les violations des droits humains les plus élémentaires continuent à l’égard des migrants subsahariens, qui se retrouvent ainsi pris entre l’enclume des trafiquants de la traite qui les exploitent, et le marteau des autorités algériennes qui profitent de leur force de travail avant de les expulser sans ménagement, en les jetant dans le grand désert, sans eau ni nourriture.
Le régime tolère l’esclavagisme des Subsahariens Ces victimes sont généralement identifiées comme des sans-papiers venus des pays voisins comme le Mali, le Niger, le Nigéria, le Burkina Faso, le Libéria ou la Guinée… Fragilisés par leur situation de séjour transitoire, mais illégal, ces immigrés font l’objet d’exploitation quasi esclavagiste de la part des passeurs. Les hommes servent ainsi de main-d'œuvre bon marché, dans la construction immobilière surtout, alors que les femmes subsahariennes sont soumises, au mieux à un travail domestique forcé, au pire elles sont livrées aux affres de l’exploitation sexuelle dans des maisons closes, particulièrement à Alger et Tamanrasset, première ville d’accès à l’Algérie.
Ainsi le rapport américain de ce mois de juillet accuse les autorités algériennes, et particulièrement la DGSN et la gendarmerie, d’affirmer régulièrement avoir démantelé des dizaines de réseaux de passeurs, mais tout en prenant bien soin d’éluder, à chaque fois, l’existence du moindre crime de traite d'êtres humains commis par ces mêmes réseaux… apparemment protégés en haut lieu dans un pays rongé par la corruption.
Il en est de même de la «criminalisation de toutes les formes de traite sexuelle des migrantes et particulièrement des enfants», domaine où, selon le rapport américain, l’Algérie est totalement «en contradiction avec le droit international».
Sur ce palier, même la présidence algérienne est accusée de ne pas respecter ses engagements de lutte contre la traite des humains. Ainsi, écrit le rapport du Département d'Etat, «le décret présidentiel qui a formellement institutionnalisé le comité de lutte contre la traite exigeait qu'il soumette un rapport au Président sur la situation de la traite en Algérie et le plan d'action national 2019-2021 exigeait que le comité soumette des fiches d'information trimestrielles sur les activités. Cependant, il n'a pas fourni de rapport ni de fiches d'information en 2020.»
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Mais c’est l’inaction du «gouvernement» algérien qui est pointée du doigt à plusieurs reprises dans ce rapport, tantôt accusé d’avoir «déployé des efforts négligeables en vue d’identifier et fournir des services aux victimes de la traite», tantôt coupable de passivité totale parce qu’il n’a pas «enquêté sur des affaires de traite pour la deuxième année consécutive et n'a pas déclaré avoir engagé de poursuites dans des affaires de travail forcé ou de traite sexuelle»…
Au contraire, les victimes subsahariennes de ces actes inhumains, plutôt que d’être protégées, «ont continué à subir des sanctions, telles que l'arrestation, la détention, les poursuites et l'expulsion pour avoir migré illégalement, s'être prostituées et avoir commis d'autres actes illégaux sous la contrainte des trafiquants», écrit encore le rapport. Ce dernier souligne également l’aveuglement des autorités algériennes qui ne savent pas distinguer entre les migrants, se permettant ainsi d’expulser les plus vulnérables d’entre eux, à savoir les enfants mineurs, les femmes, les réfugiés et des demandeurs d’asile politique.
16.000 personnes expulsées vers le Niger dans des conditions inhumainesAinsi, selon Human Rights Watch, entre septembre et octobre 2020, «l’Algérie a expulsé plus de 3.400 migrants d’au moins 20 nationalités différentes vers le Niger, dont 430 enfants et 240 femmes, selon des organisations humanitaires travaillant au Niger. Cela porte le nombre de personnes expulsées sommairement vers le Niger cette année à plus de 16.000».
Ce rapport établi par le Département d’Etat regrette «les mesures permanentes du gouvernement (algérien) visant à expulser les migrants sans papiers, en dehors des procédures officielles d'expulsion les laissant parfois dans le désert aux frontières du Mali et du Niger». Il qualifie ces agissements de «déplorables», ce qui signifie dans le jargon diplomatique américain que leurs auteurs sont passibles d’être jugés pour crimes contre l’humanité.
Pour rappel, et en dehors des rapports périodiques sur la situation des droits de l’homme en Algérie, un important rapport sur l’Algérie, dédié spécialement à Joe Biden, mais gardé secret, a été confectionné par la CIA et le Département d’Etat au début de cette année. Dans un résumé succinct de ce rapport, que l’opposition algérienne en exil a fuité, on apprend que la CIA a fidèlement dépeint la situation en Algérie, jugée «très peu reluisante», mettant surtout en exergue un pays où les «clans des généraux» font la loi dans tous les domaines, politique et économique surtout.