Acteur incontournable de la diplomatie mondiale pendant la guerre froide, M. Kissinger «est mort aujourd’hui dans sa maison du Connecticut», a indiqué son cabinet de conseil Kissinger Associates dans un communiqué, sans préciser la raison du décès.
La famille du diplomate organisera des funérailles privées, précise le communiqué, évoquant une cérémonie d’hommage publique ultérieure à New York.
Avec son décès, «l’Amérique a perdu l’une de ses voix les plus sûres et les plus écoutées en politique étrangère», a salué dans un communiqué l’ancien président américain George W. Bush, républicain comme lui.
Initiant le rapprochement avec Moscou et Pékin dans les années 1970, Henry Kissinger a vu son image ternie par des pages sombres de l’histoire des États-Unis, comme le soutien au coup d’État de 1973 au Chili ou l’invasion du Timor oriental en 1975 et, bien sûr, la guerre du Vietnam.
À Pékin en juillet
C’est son sens de la «realpolitik», du froid calcul des intérêts nationaux défendu par la puissance, qui a fait de lui une figure très critiquée de par le monde.
Diplomate aussi écouté que controversé, l’homme à la voix rocailleuse aimait distiller ses pensées aux journalistes et dans les colloques internationaux. Fascinant ses publics par sa longévité et sa vaste expérience, il était admiré par les uns comme un grand sage, détesté par les autres qui voyaient en lui un criminel de guerre.
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L’homme, qui avait fêté ses 100 ans en mai, avait conservé l’oreille des grands de ce monde, bien des décennies après avoir quitté ses responsabilités dans les affaires internationales.
Il s’était ainsi rendu à Pékin en juillet pour s’entretenir avec le président chinois Xi Jinping, qui avait salué à cette occasion un «diplomate de légende».
Jeudi, l’ambassadeur de Chine aux États-Unis, Xie Feng, a lui qualifié de «perte énorme» la disparition de M. Kissinger, architecte du rapprochement entre Pékin et Washington dans les années 1970. «Je suis profondément bouleversé et attristé», a écrit le diplomate chinois sur X.
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida a pour sa part salué les «contributions significatives à la paix et la stabilité» en Asie du diplomate américain.
Dégel des relations
La Chine occupe une place à part dans la carrière de M. Kissinger. Il a joué un rôle clé dans le dégel des relations américaines avec la Chine de Mao en effectuant des voyages secrets pour organiser la visite historique de Richard Nixon à Pékin en 1972.
Cette main tendue à la Chine a mis fin à l’isolement du géant asiatique et contribué à la montée en puissance de Pékin, d’abord économique, sur la scène mondiale.
Autre contribution importante: il a mené, toujours dans le plus grand secret et parallèlement aux bombardements de Hanoï, des négociations pour mettre fin à la guerre du Vietnam.
Henry Kissinger est également reconnu aux États-Unis pour son rôle de médiateur entre Israël et les pays arabes. En 1973, après l’attaque surprise de pays arabes lors de la fête juive de Yom Kippour en Israël, il organisa notamment un pont aérien massif pour ravitailler l’allié israélien en armes.
Prix Nobel
Juif allemand né en 1923 en Bavière, Heinz Alfred Kissinger, il fuit l’Allemagne nazie et est naturalisé américain à l’âge de 20 ans. Fils d’instituteur, il avait intégré le contre-espionnage militaire et l’armée américaine avant de poursuivre de brillantes études à Harvard, où il a également enseigné.
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Reconnaissable à sa grosse monture de lunettes, il s’est imposé comme le visage de la diplomatie mondiale lorsque le républicain Richard Nixon l’a appelé à la Maison Blanche en 1969 comme conseiller à la sécurité nationale, puis comme secrétaire d’État, cumulant les deux postes de 1973 à 1975.
Il survivra au départ de M. Nixon - qui démissionna en 1974 en raison du scandale du Watergate - et resta maître de la diplomatie sous son successeur Gerald Ford jusqu’en 1977.
La signature d’un cessez-le-feu lui a valu le prix Nobel de la paix avec le dirigeant nord-vietnamien en 1973, l’un des plus controversés dans l’histoire du Nobel.
Le Duc Tho refusa le prix, arguant que la trêve négociée n’était pas respectée, et M. Kissinger n’osa pas se rendre à Oslo, de peur des manifestations.