Le ministère algérien des Affaires étrangères a publié, samedi 28 novembre, un communiqué dans lequel il réagit à la nouvelle résolution du Parlement européen sur la situation des droits de l’Homme en Algérie, adoptée jeudi dernier par 699 voix pour, 3 contre et 22 abstentions.
Cependant, au lieu de répondre aux multiples violations concrètement détaillées par les députés européens, le ministère algérien des Affaires étrangères a choisi le langage de l’invective.
Ainsi, peut-on lire dans ce communiqué, «l’Algérie tient, en cette circonstance, à apporter le démenti le plus méprisant à l’ensemble des accusations fallacieuses colportées au sein de l’hémicycle européen et traduites par cette dernière résolution. Elle déplore la tonalité foncièrement haineuse et teintée de paternalisme de ce texte, qui dénote d’une hostilité avérée digne de la période coloniale de certains milieux européens à l’égard du peuple algérien et de ses choix souverains».
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En dénonçant également ce qu’il appelle un «chapelet d’avanies et d’injures à l’endroit du peuple algérien, de ses institutions et de l’Etat algérien», le communiqué du ministère des Affaires étrangères sonne comme une réaction camouflée des hauts gradés de l’armée algérienne, pointés du doigt par la résolution du Parlement de Strasbourg. Cette dernière a en effet défendu le droit de tous les Algériens «qui manifestent pacifiquement depuis février 2019 pour demander que l'Etat ne soit plus aux mains des militaires et exiger la souveraineté populaire».
C’est à ce titre, qu’en plus des nombreuses figures de proue du «Hirak», actuellement emprisonnées, et nommément citées de façon non exhaustive par la résolution européenne, celle-ci s’est particulièrement attardée sur les cas de Khaled Drareni et Walid Nekkiche. Le premier, journaliste de son état, est surtout détenu pour avoir ouvertement dénoncé la mainmise des généraux sur le pouvoir en Algérie. Le second, Hirakiste de 25 ans et étudiant à l’Ecole supérieure de la pêche et de l’agriculture d’Oran, emprisonné depuis un an, aurait subi des tortures atroces dans les locaux de la DGSI (sécurité intérieure de l’armée algérienne).
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Enfonçant davantage le clou quant au rôle primordial de l’armée dans la répression du Hirak, les eurodéputés ont rappelé la nécessité pour les autorités algériennes de «garantir à la fois une pleine reddition des comptes et un contrôle démocratique et civil des forces armées, ainsi que la subordination effective de ces dernières à une autorité civile légalement constituée, et à faire en sorte que le rôle de l’armée soit correctement défini dans la constitution et explicitement limité aux questions touchant à la défense nationale».
D’ailleurs, c’est en des mots à peine voilés que les élus de l’UE accusent les hauts gradés de l’armée algérienne d’avoir profité de la pandémie de la Covid-19 pour faire passer des lois liberticides, comme le nouveau Code pénal d’avril 2020, qui a drastiquement restreint les libertés de presse, d’expression et d’association.
Ces différentes critiques européennes décochées à l’adresse du pouvoir militaire ont été vues par le MAE algérien comme une «ingérence dans les affaires intérieures de l’Algérie». Or, pour rappel, cette résolution du Parlement européen, qui n’est pas la première du genre, s’inscrit dans le cadre de l’application stricte de l’article 2 de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie. En vertu de ce texte, les Etats membres de l’UE sont tenus de placer les droits de l’Homme, et surtout les conventions internationales en la matière, «au centre de leur coopération bilatérale comme régionale avec l’Algérie».
La résolution du Parlement européen va encore plus loin, en invitant l’Algérie «à autoriser l’entrée dans le pays des organisations internationales des droits de l’Homme et des titulaires de mandat au titre de procédures spéciales des Nations unies». Cette invitation fait référence aux nombreuses plaintes pour violations des droits de l’Homme, déposées auprès de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU à Genève par des associations algériennes de la société civile. Ces plaintes, pourtant démenties par des communiqués officiels algériens, ont été confirmées par l’institution onusienne et sont actuellement en cours d’instruction.