Loin de calmer les esprits après le débat raté de Joe Biden face à Donald Trump, la stratégie de communication du président et de ses équipes, opaque, hasardeuse, parfois moqueuse, n’a fait qu’aggraver la crise qu’il traverse.
La Maison Blanche a «clairement raté» la gestion de crise, a asséné mercredi Katie Porter, une élue démocrate de Californie, sur CNN. «Je reproche à l’équipe de campagne de balayer d’un revers de main les questions que posent les gens», a dit le sénateur démocrate Peter Welch dans un entretien avec le site Semafor, publié mardi.
«Le débat présidentiel était affreux pour Joe Biden, mais la tentative pour étouffer le problème a été pire», assure pour sa part jeudi l’hebdomadaire The Economist, appelant le président à retirer sa candidature à un second mandat et illustrant l’article avec l’image cruelle d’un déambulateur orné du sceau présidentiel américain.
Dernier exemple en date d’une communication plus qu’hasardeuse: jeudi, un porte-parole de la Maison Blanche indique que le démocrate de 81 ans a «été vu» par un médecin quelques jours après le duel télévisé du 27 juin, pour un «rhume». Mercredi, la principale porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, avait pourtant assuré dans son briefing quotidien que le président n’avait «pas été examiné» en lien avec ce fameux «rhume».
Rhume puis jetlag
Et voilà comment une banale consultation pour une maladie bénigne devient un couac de plus. Depuis une semaine, son entourage parle d’un refroidissement pour expliquer la voix enrouée et plus généralement la prestation calamiteuse du candidat démocrate pendant 90 minutes.
Mardi soir -quatre jours après la confrontation sur CNN- le principal intéressé surprend avec une nouvelle explication. Devant des donateurs, Joe Biden dit que ce n’était «pas très malin» d’avoir «voyagé à travers le monde plusieurs fois» peu avant cette confrontation, et que cela l’avait amené à «presque (s’)endormir sur scène».
Pourquoi ne pas avoir parlé auparavant de la fatigue liée à deux déplacements en Europe en juin? demandent les journalistes à Karine Jean-Pierre lors de son point-presse du mercredi. «C’est ma faute», dit la porte-parole, expliquant qu’elle n’avait pas évoqué le «décalage horaire» lors de son briefing de la veille parce qu’elle était «tellement concentrée sur le rhume». Mais elle ne dit pas pourquoi Joe Biden, rentré d’Italie une dizaine de jours avant le débat, n’a pas récupéré du décalage horaire.
Les démocrates, en proie à une panique croissante, ont demandé au président de corriger le tir avec des apparitions publiques sans filet: conférences de presse, interviews, échanges spontanés avec des partisans...
En vain. Chaque fois que Joe Biden est apparu en public depuis une semaine, il a utilisé un prompteur, sauf pour s’adresser brièvement jeudi à des militaires et leurs familles, en marge des festivités de la fête nationale américaine à la Maison Blanche. «Je n’ai pas l’intention de m’en aller», a-t-il dit à un partisan qui lui demandait de «continuer à se battre»… avant de raconter une anecdote confuse à propos d’embouteillages sur les autoroutes.
Changement de ton
Face aux articles alarmants sur son acuité mentale, face aux appels à un retrait, le camp Biden a d’abord balayé les inquiétudes, d’une manière jugée parfois méprisante. Le dimanche suivant le débat, un cadre de l’équipe de campagne a attaqué dans un email de la «brigade des froussards», l’expression d’origine, «bedwetters», étant traduisible par «ceux qui font pipi au lit». Un porte-parole de la Maison Blanche, cité par Vanity Fair, avait lui ironisé sur les «angoissés professionnels».
Le ton a ensuite nettement changé: mardi et mercredi, Karine Jean-Pierre a dit et répété que les questions sur l’état de forme de Joe Biden étaient «légitimes», en assurant que l’octogénaire était «toujours aussi affûté». Il aura l’occasion de le prouver dès ce vendredi soir, avec la diffusion d’une interview très attendue avec la chaîne ABC. S’il la rate, sa candidature à un second mandat ne tiendra vraiment plus qu’à un fil…