La mort de Nahel M., 17 ans, d’un tir à bout portant d’un policier lors d’un contrôle routier, a continué d’embraser de nombreuses villes françaises durant la nuit du vendredi à samedi.
Malgré le déploiement d’un imposant dispositif de 45.000 policiers, le bilan de cette 4ème nuit d’émeutes est resté lourd: quelque 1.350 véhicules incendiés, 234 bâtiments incendiés ou dégradés et plus de 2.560 incendies ont été comptabilisés sur la voie publique, selon le ministère de l’Intérieur, qui signale également 994 interpellations dans toute la France, un chiffre record.
Marseille, deuxième ville de France, a connu une nuit très agitée, qui a nécessité l’envoi de renforts des forces de l’ordre. Ces derniers ont été visiblement insuffisants pour endiguer la flambée des violences, émaillées de dégradations de bâtiments, d’incendies de voitures et de pillages de commerces.
À Lyon ou Grenoble, des affrontements ont opposé jusque tard dans la nuit des bandes de jeunes, tirant des mortiers d’artifice, aux policiers qui répliquaient par des grenades lacrymogènes. La région parisienne, où trois villes ont décidé d’instaurer un couvre-feu, n’a pas été épargnée. À Nanterre, ville Nahel M. a été tué, le déploiement d’éléments du RAID et du GIGN, unités d’élite de la police et de la gendarmerie, et de blindés légers n’a pas non plus réussi a calmé les ardeurs des protestataires. Durant la nuit, 492 bâtiments ont été visés, 2.000 véhicules brûlés et des dizaines de magasins pillés.
Appel à la sédition des syndicats de police
Dans ce contexte particulièrement tendu, deux des principaux syndicats de policiers, Alliance et UNSA-Police, sont venus mettre de l’huile sur le feu en se fendant d’un communiqué incendiaire dont le ton et terminologie, pour le moins inquiétants, oscillent entre le racisme primaire et l’incitation à la rébellion contre le pouvoir politique.
Il y est ainsi question de «Hordes sauvages» de «nuisibles» et de «chienlit» subie «depuis des décennies», contre lesquels «les policiers sont au combat» et littéralement «en guerre». «Demain nous serons en résistance et le gouvernement devra en prendre conscience», poursuit le texte, dans un appel à peine enveloppé à la sédition.
La réaction classe politique française au texte n’a pas tardé, surtout sur son aile gauche. Sandrine Rousseau, députée écologiste de Paris, a dénoncé une «menace de sédition», tout comme le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, qui qualifie le communiqué de «véritable appel à la sédition». Pour Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, «les « syndicats » qui appellent à la guerre civile doivent apprendre à se taire», tandis que Yannick Jadot, eurodéputé Europe Ecologie-Les Verts, pointe du doigt «Le syndicat Alliance (qui) promet la guerre civile».
«Je ne suis pas là pour polémiquer, ce ne sont pas mes mots», s’est contenté d’esquiver sur le plateau de TF1 le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, désireux de ne pas se mettre à dos les organisations syndicales policières.
Car plus que des actions d’éléments de la police en dehors du contrôle de leur hiérarchie et de la légalité, le gouvernement français craint surtout d’en voir se retirer du service opérationnel. D’autant qu’un modèle de rapport circule déjà dans les commissariats à l’usage des policiers souhaitant activer une sorte de «droit de retrait».
Daté du 29 juin, le document détaille la démarche à suivre pour les policiers désireux de restituer leur arme de service, une manière de protester contre l’inculpation et le placement en détention de leur collègue, auteur du tir mortel contre le jeune Nahel.
Emmanuel Macron, qui assistait la veille à un concert d’Elton John alors que le pays s’embrasait, a multiplié les réunions avec ses ministres et responsables sécuritaires. Incriminant l’influence des jeux vidéos qui auraient «intoxiqué» les jeunes, il a surtout exigé une censure à peine déguisée des réseaux sociaux, accusés d’abriter l’organisation de «rassemblements violents» et de susciter «une forme de mimétisme de la violence».
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a, quant à lui, une nouvelle fois épinglé la gestion sécuritaire du gouvernement français. Lors de son point de presse régulier à Genève, le vendredi 30 juin, a pressé la France «de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre».